Avec notre correspondante en Argentine, Aude Villiers-Moriamé
L’affaire Lucia provoque l’indignation en Argentine. Cette fillette, violée par le compagnon de sa grand-mère, a été soumise à une césarienne par des médecins qui voulaient sauver le foetus de cinq mois qu'elle portait, et qui aurait actuellement très peu de chances de survie. La jeune fille de 11 ans vivant dans une région conservatrice du nord du pays, avait pourtant exprimé à plusieurs reprises son souhait d’avorter.
L'avortement interdit, sauf en cas de viol
En Argentine, l’avortement est interdit, sauf justement en cas de viol ou si la grossesse présente un danger pour la santé de la femme enceinte. Cette affaire choque le pays et remet au premier plan la question du droit des femmes à avorter dans le pays.
Des dizaines de militantes se sont réunies devant le secrétariat d’Etat de la Santé, à Buenos Aires. Sur leurs pancartes, on peut lire « Niñas no madres »: « des petites filles, pas des mères ». « L'avortement n'est pas pénalisé dans certains cas, notamment en cas de viol. Donc, que les autorités de l’hôpital décident de repousser cette procédure, c’est illégal. En fait, ils l’ont fait traîner jusqu’au moment où ils se sont dit : “Là, c'est bon, on peut pratiquer une césarienne" », affirme Patricia Bustamante, avocate spécialiste des droits de l’homme.
Des mèdecins objecteurs de conscience
Lucia a passé plus d’un mois à l’hôpital à demander qu’on lui pratique un avortement légal. Mais les médecins se sont tous déclarés objecteurs de conscience. « Nous réclamons non seulement de nouvelles politiques publiques mais surtout que l’Eglise, que toutes les Eglises, arrêtent de s’immiscer dans des décisions extrêmement personnelles. Ca suffit l’obscurantisme ! Au fond, on réclame et on exige surtout la séparation de l’Eglise et de l’Etat », s'insurge Celeste McDougall, activiste pour le droit à l’avortement en Argentine.
L’an dernier, les Argentines se sont mobilisées par millions pour soutenir la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse. La proposition de loi a été rejetée par le Sénat, mais les militantes en présenteront une nouvelle devant le Congrès d’ici quelques semaines.