De notre envoyé spéciale, Sarah Cozzolino
Córrego do Feijão a l’air d’un village fantôme. Alors qu’une quinzaine d’hélicoptères survolent tous les jours la boue de déchets miniers, à la recherche de corps, les habitants se croisent, sur la petite place. Ils évoquent leurs pertes : des proches, des voisins, mais aussi leur travail, leur maison.
Elizangela Gonçalves a passé toute sa vie dans le village: « On a aussi perdu Córrego do Feijão, qui ne sera plus jamais le même. C’était un endroit de rêve, et aujourd’hui on vit un cauchemar… parce que chaque jour, un corps est retrouvé, on enterre un proche, un collègue, un ami, une connaissance. Donc on est tous victimes. »
L’école a désormais repris pour les enfants du village. Un retour à la routine très important selon Victor Polignano. Ce jeune psychologue bénévole accompagne les enfants dans leur deuil, par le dessin, notamment. « Il y a un dessin en particulier qui a beaucoup retenu mon attention. C’était un jardin, et sous la terre, il y avait des corps, dessinés. Ça nous montre que les enfants ont conscience de ce qu’il se passe et de ce qu’il s’est produit ici. Donc il faut leur laisser un espace pour qu’ils puissent parler s’ils le veulent, ou respecter leur silence. »
Un mois après la catastrophe les habitants sont toujours en attente des indemnisations promises par Vale, le géant minier en charge du barrage. La plupart des personnes rencontrées estiment qu’elles ne pourront plus continuer à vivre dans cette région.
Une tragédie prévisible
Flavia Coelho a perdu son père dans la tragédie. Après quarante ans de travail dans l’infrastructure de la mine, il était devenu indispensable. Mais quand l’année dernière, il avertit, à plusieurs reprises, les responsables de la mine des risques d’effondrement du barrage, il ne sera pas écouté : « On est venu lui parler, le calmer… et malheureusement, mon père, une personne très honnête, pensait qu’ils étaient aussi honnêtes que lui. Mais ils ont préféré donner la priorité à l’argent et perdre des vies plutôt que les bénéfices de l’entreprise. »
La personne qui l’a rassuré fait partie des huit employés qui ont été placés en détention provisoire, il y a dix jours.
Les risques ont été pris à cause de la puissance du lobby minier, selon Edzangela Barros. Elle est membre du Mouvement des victimes des barrages qui orgnaise une journée d'action contre l'impunité. « On ne sait plus qui on peut croire, si on peut croire en l’entreprise. Parce que les sirènes mises en place pour alerter la population ne marchent jamais. C’était le cas pour Mariana, et ici… »
Quatre ans après la rupture du barrage de Mariana, qui avait provoqué la plus grave catastrophe écologique du pays, personne n’a été condamné. Cette fois, les Brésiliens espèrent que les coupables seront punis et de nouvelles tragédies évitées.