« Je demande de toute urgence plus de détails », s'insurgeait sur Twitter le sénateur démocrate du Nouveau-Mexique, Martin Heinrich. Il s'en est aussitôt pris à Donald Trump sur le réseau social après la mort d'un petit garçon guatémaltèque dans la nuit de Noël. C'est la deuxième fois qu'un enfant meurt après avoir été arrêté à la frontière entre le Mexique et les États-Unis en ce mois de décembre.
Le jeune garçon avait été arrêté par les services de la protection des frontières puis transféré dans un hôpital le lundi 23 décembre. Gardé en observation pendant une heure et demie, il est sorti de l'établissement avec des médicaments prescrits. L'équipe médicale lui avait diagnostiqué un rhume. Mais le soir du 24 décembre, l'enfant souffrait de nausées et de vomissements et à de nouveau été transféré à l'hôpital. Il décédera peu après minuit, le 25 décembre.
Négligence dans la prise en charge des jeunes migrants
Les autorités semblent reconnaître « une négligence dans la prise en charge des jeunes migrants ». Les services de contrôle des frontières ont demandé à ce que tous les enfants de moins de 10 ans soient soumis à des examens médicaux, sans communiquer le nombre d'enfants concernés, dans une première réaction. Mais impossible de déterminer le nombre d'enfants en situation irrégulière détenus par les services de douanes et de la protection des frontières. Les estimations varient de 14 à 15 000. Un chiffre en hausse.
Par conséquent, les neuf centres d'accueil spécialisés pour les migrants mineurs sont saturés. Une des causes de cette saturation est qu'il faut compter environ deux mois avant de trouver une famille d'accueil. Mais ce délai a tendance à s'allonger parce que les autorités vérifient l'identité du parrain qui très souvent est un migrant, parfois même en situation irrégulière.
De 100 à 240 jours en détention
En moyenne, les mineurs passent entre 100 à 240 jours en détention. Ce qui est beaucoup trop long d'après certains médecins et avocats des droits de l'homme qui tirent la sonnette d'alarme. Légalement, il est interdit de garder un enfant en détention pour plus de 72 heures.
Mais avant toute chose, « les enfants de migrants ne devraient pas être placés en détention », estime Alan Shapiro, pédiatre, co-fondateur de Terra Ferma, une association qui accompagne les enfants de migrants. « Ces centres où on les amène ne sont pas faits pour eux. Nous pensons que les enfants doivent être libérés au plus vite. Dans nos recherches, nous avons montré que le système médical pour les enfants aux Etats-Unis, en ce qui concerne l'accueil des migrants, n'est pas adapté. »
Conditions précaires
L'association d'Alan Shapiro milite pour la mise en place d'un « système de surveillance, de contrôle pour que des pédiatres professionnels, des psychologues pour enfants puissent avoir accès à ces centres et puissent faire des examens pour être sûr que les enfants bénéficient des services dont ils ont besoin. » Car ces enfants arrivent souvent fragiliés par un voyage éprouvant, rappelle le pédiatre. « Les enfants, accompagnés par leur famille ou non, ont voyagé des milliers de kilomètres pour atteindre la frontière américaine dans des conditions évidemment très difficiles. Et donc quand ils arrivent ils sont très affaiblis. »
Mais de surcroit, ils sont accueillis dans des conditions très précaires. « Quand ils sont arrêtés par les patrouilles de la police aux frontières, ils sont placés en premier lieu dans des centres. Parfois, ils arrivent mouillés, on ne leur donne pas forcément des vêtements secs tout de suite pour se changer, ils ont très froids, ce qui peut les fragiliser. La nourriture est horrible, en général elle est congelée, mal réchauffée, en petite portion, pas du tout nutritive. Et en plus il y a très peu de soins médicaux pour ces enfants », insiste Alan Shapiro.
Pour José Miguel Vivanco, directeur de la division Amériques de Human Rights Watch, « c’est un fait gravissime parce que ces deux morts auraient pu être évitées ». Soulignant la responsabilité des autorités américaines dans ces deux morts, il ajoute que « derrière ce genre d’abus, il y a une seule raison : la politique migratoire. La position récalcitrante de Donald Trump cherche uniquement à satisfaire ses promesses de campagne auprès de ses militants de base ».