Après les manifestations anti-corruption ce week-end en Haïti, la situation reste tendue. Une grève générale, lancée par l'opposition, a paralysé une grande partie du pays ces deux derniers jours.
« Les écoles, l’administration publique, les entreprises privées sont restées fermées à Port-au-Prince, au Cap-Haïtien, aux Cayes, à Miragâone et dans d’autres villes haïtiennes », constateLe Nouvelliste. « Les correspondants de plusieurs médias de la capitale ont signalé des obstructions d’artères stratégiques, des jets de pierres, de bouteilles et des coups de feu un peu partout à travers le pays. La colère, observée lors des manifestations du 18 novembre, émaillées d’actes de violence, de morts et de blessés par balle, ne s’est pas estompée pendant ces jours de grève pour exiger le départ du président Jovenel Moïse et le procès des dilapidateurs présumés des fonds Petrocaribe », souligne le quotidien.
Et la situation semble inchangée ce matin. « 21 novembre 6h20 : 4ème journée de paralysie totale de toute activité à Port-au-Prince et dans la plupart des villes de province en Haïti malgré les messages du gouvernement invitant la population à vaquer à ses activités », écrit Robenson Geffrard du Nouvelliste ce matin sur Twitter.
Pour de nombreux Haïtiens, l’arrêt de leurs activités quotidiennes représente un risque important. Les marchands et autres acteurs du commerce informel n'ont pas les économies nécessaires pour tenir plusieurs jours de chômage. S'ajoute à ce problème celui de l'insécurité. Plusieurs quartiers défavorisés de la capitale Port-au-Prince ont été le théâtre de violences. Certaines villes de province sont également touchées, parmi elles Cap-Haïtien dans le nord et Les Cayes dans le sud d'Haïti où selon l'agence Alterpresse, « des partisans du pouvoir et des sympathisants de l’opposition se sont affrontés, tandis que des actes de pillages se sont produits ».
Les ambulanciers, dépêchés dans plusieurs quartiers en proie aux violences, ont été attaqués, rapporte Haïti Press Network. « Leur directeur a appelé les protagonistes à respecter la neutralité des ambulanciers ».
« Dos au mur, le pouvoir opte pour le dialogue », constate notre confrère Gotson Pierre d'Alterpresse. Mais « les opposants farouches au pouvoir en place refusent tout dialogue avec le chef de l’Etat ».
« Du pouvoir à l'opposition, cela a toujours été un jeu de chaises musicales dont le pays en fait les frais », s'exclame Gary Victor dans les colonnes du quotidien Le National. « Ce qui est infect dans cette histoire à répétition, poursuit l'éditorialiste, ce sont ceux qui de leur tour d'ivoire, décideurs haïtiens ou étrangers ne se soucient que de ripailler et donc d'œuvrer à la perpétuation d'un système honni et se foutent royalement des gangs qui violent, qui pillent et qui tuent dans certains quartiers populaires. Ces gangs ont été parfois montés, ravitaillés par des secteurs proches du pouvoir. De la situation misérable de la population, on s'en fiche ». Et Gary Victor de conclure : « Pouvoir et opposition chez nous n'ont été toujours que les deux faces de la même médaille. Refus de la modernité, sauvegarde des privilèges, maintien de l'appareil de la corruption pour qu'un autre clan puisse venir s'empiffrer. D'homme d'Etat, nous en manquons cruellement. Des hommes d'Etat pour forcer la réconciliation avec nous-mêmes. Des hommes d'Etat pour mettre fin au banditisme sous toutes ces formes. Des hommes d'Etat pour cesser de promouvoir la bêtise. Des hommes d'Etat pour rétablir le temps de l'Humain dans ce pays ».
Affaire Khashoggi : Donald Trump redit son soutien sans faille à l'Arabie saoudite
Donald Trump a redit son soutien sans faille à l'Arabie saoudite, et ce, malgré l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi pour lequel le pouvoir saoudien est largement mis en cause y compris dans un rapport de la CIA. Le président américain admet que le prince héritier Mohammed ben Salman pourrait avoir été au courant du projet d'assassinat de l'opposant tué au consulat d'Arabie saoudite d'Istanbul, le mois dernier. Mais Donald Trump n'entend pas annuler les contrats d'armements avec le royaume wahhabite, malgré les nombreux appels en ce sens de parlementaires démocrates et républicains.
« Pour Donald Trump, la politique étrangère est depuis toujours une série d'accords commerciaux, privée de valeurs et d'idéalisme. Mais les 633 mots de sa déclaration publiée ce mardi sur l'assassinat brutal du dissident saoudien Jamal Khashoggi ont montré toute l'ampleur de ses calculs bruts et mercantilistes », écrit le New York Times. Le président n'a laissé planer aucun doute sur le fait qu’à l'avenir les alliances des Etats-Unis se feront avec ceux qui achètent le plus d'armes américaines, fustige le quotidien.
Le Boston Globe renchérit : « Ca y est ! Nous sommes fixés : on peut acheter la politique étrangère américaine ».
« La déclaration honteuse de ce mardi, reprend le New York Times, les autocrates du monde entier pourraient s'en inspirer à l'avenir. Car elle signale qu'en cas de crimes, les Etats-Unis trouveront bien un prétexte pour regarder ailleurs ». « Ce message », estime de son côté le Chicago Tribune, « affectera à jamais l'image de notre pays dans le monde. Nous ne pourrons plus être les gardiens de l'inviolabilité des droits humains ».
Pour ne rien arranger, la déclaration du président contredit les conclusions des renseignements américains concernant la mort du dissident saoudien.
« Nous ne connaîtrons peut-être jamais les faits qui entourent cet assassinat », a écrit Donald Trump. « Faux ! », s'exclame le Washington Post. « La vérité sur la mort de monsieur Khashoggi est désormais au contraire en grande partie connue, grâce à des enregistrements audio qui ne témoignent pas seulement du terrible meurtre, mais aussi des coups de fil que les sbires du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul ont passés aux proches conseillers du prince Mohammed Ben Salman pour leur signifier que l'ordre a été exécuté. Le président a trahi les valeurs américaines ».
Les mots de Donald Trump sur l'affaire Khashoggi suscitent également l'indignation dans les journaux latino-américains. A l'instar du journal vénézuélien El Nacional qui écrit : « Un monde dans lequel la seule chose qui importe est les affaires, dans lequel aucune considération éthique ne guide nos actions ni nos systèmes de gouvernance, est un monde dans lequel les citoyens ne savent plus ce qu'ils peuvent attendre de leurs dirigeants et les pays de leurs alliés. Nous ne devons pas accepter un monde si imprévisible et instable », estime l'éditorialiste avant de conclure : « Si les autres dirigeants de la communauté internationale ne condamnent pas avec conviction l'effroyable assassinat de Jamal Khashoggi, l'ordre mondial est mort avec lui ».