Avec notre envoyé spécial à Paradise, Eric de Salves
Les mains couvertes de suie, les yeux rougis par les larmes, Travor et Bicha sont effondrés. Quand cette famille fuit Paradise, le feu ravage déjà la ville.
Cernés et piégés par les flammes, ces trentenaires réussissent à sauver l'une de leurs fillettes. Mais dans la panique, ils ont perdu la trace de la deuxième, âgée de 12 ans. Crystal a depuis disparu.
« Je ne sais pas quoi faire, on n’arrive pas à la retrouver, s’inquiète le père de famille. On a fait tous les abris. On a laissé des messages sur Facebook, sur Twitter. On a prévenu le shérif et les pompiers. On fait tout ce qu'on peut. »
« Tout a brûlé »
« Ça s'est passé très vite, explique Bicha. Nous sommes restés coincés au milieu du feu avec une centaine de personnes. On est restés là-haut pendant quatre heures avec le feu qui nous entourait. Les flammes partout autour. Tout a brûlé. Je pensais qu'on n'allait pas s'en sortir. »
La famille dort dans un refuge, dans une église transformée en abri de fortune pour des centaines de sinistrés, comme eux, au sud de Paradise. Ils racontent avoir tout perdu dans les flammes. Darren Courtney de la Croix-Rouge supervisent le refuge. « Je suis né et j'ai grandi dans ce coin. Je travaille pour la Croix-Rouge depuis 32 ans et c'est probablement le pire incendie que j'ai vu. »
Tornade de feu
Infirmière à la retraite, Sarah a été réveillée au milieu de la nuit par une amie. Elle a échappé au feu in extremis. « Nous avons roulé à travers des maisons en feu des deux côtés de la route. Des braises partout sur la route. Nos pneus n'ont pas crevé. J'ai le sentiment d'être une miraculée. Ensuite, nous avons traversé une sorte de tornade de feu. Elle tournoyait avec une telle fumée noire qu'on ne pouvait pas voir la route. On ne voyait que les braises. Il y avait des gens qui tentaient de fuir à pied parce que leur voiture était hors d'usage. Tout a brûlé. »
Brenda, elle, s'est réfugiée avec d’autres dans une église « parce que c'était un bâtiment en briques », explique-t-elle. Les pompiers « ont essayé de nous évacuer mais, en cinq minutes, tout autour de nous était en feu. Il était 1h du matin et je me suis dit, "Bon, si je dois mourir, autant que ce soit dans mon sommeil", alors je me suis allongée sur trois chaises et j'ai fait une sieste. Quand je me suis réveillée à 6h30, tous les bâtiments autour avaient pris feu. Le nôtre était le seul intact. Les pompiers savaient que nous étions 50 ou 60 à l'intérieur et ils nous ont protégés. Mais c'était effrayant. »
Déclenché jeudi matin, le feu « Camp Fire » progresse à une vitesse inédite. Selon les autorités, en deux jours à peine, il est devenu le plus destructeur en habitation de l'histoire de la Californie.