Avec notre correspondant à Buenos Aires, Jean-Louis Buchet
Les querelles entre syndicalistes ne sont plus à l'ordre du jour en Argentine. A l’issue de la grève générale de mardi, dans une démonstration d’unité, les dirigeants de la Confédération générale du travail (CGT), la première centrale du pays, ont laissé la parole aux leaders de la Centrale des travailleurs (CTA), traditionnellement plus combatifs.
Ainsi, Hugo Yasky, de la CTA, a pu s'exprimer : « Aujourd’hui, a-t-il assuré, il n’y a eu aucune activité. Aujourd’hui, le peuple argentin a rejeté le FMI et le plan d’ajustement. Et il a démontré qu’il veut continuer à lutter pour essayer de faire en sorte que cette politique économique, qui est en train de nous détruire, se termine. »
La grève a été un succès, bien au-delà des travailleurs syndiqués. Esther, qui dirige une PME, a accompagné le mouvement. Elle confie : « J’ai ma fonderie et le changement de gouvernement a fait que depuis décembre jusqu'à aujourd’hui, je n’ai plus rien vendu, monsieur ! Et moi, je vends aux riches ! »
Le gouverneur de la Banque centrale démissionne
Mais l’adhésion massive des syndicats des transports peut laisser des doutes sur la portée réelle de la grève. Comme beaucoup d’autres, Carmen a ouvert sa boutique. « La grève ne sert à rien, estime-t-elle. Tout a augmenté de manière excessive. Mais tout allait très mal avant et il fallait remettre de l’ordre. Et je ne sais pas où on en serait avec la politique antérieure. Les choses ne vont pas bien, mais avec la grève, on n’obtient rien. Au contraire, tout le monde perd ! »
Par ailleurs, quand bien même les syndicats ont paralysé le pays, ils savent que le gouvernement, engagé dans un plan d’ajustement avec le Fonds monétaire international (FMI), n’est pas près de changer fondamentalement de politique économique. Mardi, le chef de l'Etat (centre droit) a d'ailleurs redit qu’il entendait sortir de la crise grâce au plan d’ajustement mis en place avec le FMI.
Mauricio Macri garde donc le cap, après la démission de Luis Caputo, gouverneur de la Banque centrale d'Argentine, le jour même. Un départ annoncé alors que le président se trouvait aux Etats-Unis, à l'Assemblée générale de l'ONU en marge de laquelle il a négocié un nouvel accord avec la directrice générale du FMI, Christine Lagarde.
Les Argentins pas rassurés quant à l'avenir du peso
La démission de M. Caputo était attendue. On savait que la politique du gouverneur de la Banque centrale, partisan d’une stabilisation du peso face au dollar, était contestée par le ministre des Finances Nicolás Dujovne et par le FMI, qui ne veut pas que les crédits accordés à l’Argentine soient dépensés pour défendre la monnaie nationale.
Mais, si au moment où le gouvernement négociait un nouvel accord avec le FMI, il devenait évident que la politique de la Banque centrale devait changer, et donc que M. Caputo devait partir, pourquoi n’a-t-il pas attendu le retour de M. Macri ? C’est la question que l’on se pose à Buenos Aires. Etat donné le contexte, ce départ fait désordre.
Luis Caputo aura passé à peine trois mois à la tête de la Banque centrale. Son prédécesseur avait démissionné après la signature de l’accord avec le FMI. Son successeur, Diego Sandleris, est un homme lié à Dujovne. Pour le Fonds, c’est une bonne chose. Pour les Argentins, cela veut dire que le peso va continuer à se dévaluer.
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