Avec notre correspondant à régional, Eric Samson
Interné en soins intensifs depuis samedi 23 décembre pour un problème de tachycardie, Alberto Fujimori ne passera pas Noël chez lui, mais sans doute le Nouvel an. Selon le communiqué de la présidence, l'ancien chef de l'État de 79 ans a été examiné par une junte médicale qui a déterminé qu'il souffre d'une maladie progressive, dégénérative et incurable. Rester en prison représenterait un risque pour sa vie, selon les médecins. Cela bien que la prison d'Alberto Fujimori ne soit pourtant pas si dure, puisqu'il s'agit d'une petite maison particulière située dans une base de la police à Lima.
Fujimori aura donc passé 10 ans en prison alors qu'il en avait été condamné à 25 ans en 2010 pour crimes de lèse-humanité et pour avoir été considéré comme l'auteur intellectuel des deux massacres de La Cantuta et Barrios Altos qui ont fait 25 morts dont un enfant de huit ans. À l'époque, les autorités menaient une guerre sans merci contre la sanglante guérilla maoïste du Sentier lumineux et contre le Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru. Un conflit qui a fait plus de 70 000 morts et disparus.
En guise de protestation, des membres de la majorité démissionnent
Fujimori avait également été condamné à six ans de prison pour usurpation de fonctions, à 7 ans et demi pour avoir accepté le paiement de 15 millions de dollars à son ex-chef du Service d'intelligence nationale Vladimiro Montesinos et à 6 ans pour des pots-de-vin payés à des députés d'opposition, mais au Pérou les peines de prison ne sont pas cumulatives.
Cette grâce, annoncée la veille de Noël, sème le trouble chez certains Péruviens, notamment les familles des 25 assassinés ou ceux qui ont souffert sous le régime autoritaire d'Alberto Fujimori, mais ce ne sont pas les seuls : deux députés du parti présidentiel ont démissionné pour protester contre l'annonce et des ministres pourraient leur emboîter le pas.
Des membres du parti présidentiel dénoncent un échange de bon procédés
Cela car Pedro Pablo Kuczynski - surnommé PPK - doit sa victoire en 2016 au soutien d'une candidate résolument anti-Fujimori. Et PPK avait juré en 2016 qu'il ne gracierait jamais l'ancien président.
Selon des membres de l'opposition au parlement - acquis à Fujimori -, le député Kenji Fujimori a joué un rôle clé dans la libération de son père. Car le 22 décembre, lui et 9 autres députés se sont abstenus au Parlement lors d'une tentative de destitution du président Kuczynski, empêtré dans une affaire de corruption. Des membres du parti présidentiel accusent PPK d'avoir promis au fils d'Alberto Fujimori la grâce à ce dernier en échange de cette abstention, qui a permis au président de sauver sa peau.