Alt-right, néo-nazis, membres du Ku Klux Klan, les groupes de la droite radicale et identitaire américaine se sont rassemblés en masse samedi 12 août 2017 à Charlottesville, en Virginie.
Leur objectif : dénoncer de façon unitaire le projet de déboulonner de ce jardin municipal la statue du général sudiste Lee, chef de l'armée confédérée pendant la guerre de Sécession (1861-1865).
Rassemblée sous la bannière « Unite the right », « unir la droite », l’extrême-droite voulait faire de cette journée le paroxysme de plus d’un an de controverses autour de cette sculpture.
Les craintes de débordements étaient avivées par la présence d'armes portées ouvertement par les manifestants, ainsi que le permet la loi dans l'Etat de Virginie. Des membres de milices d'extrême droite s'étaient ainsi positionnés en tenue paramilitaire, fusil semi-automatique en bandoulière, non loin de forces de l'ordre très sollicitées.
« Cet événement pourrait offrir une vitrine historique de haine, en rassemblant en un seul lieu un nombre d'extrémistes inédit depuis au moins une décennie », avait averti Oren Segal, directeur du Centre sur l'extrémisme de l'Anti-Defamation League (ADL), une association de lutte contre l'antisémitisme.
Etat d'urgence déclaré par le gouverneur démocrate
En conséquence, les autorités ont décidé peu avant midi, heure locale, d'interdire la manifestation prévue et la police anti-émeutes a procédé à l'évacuation du parc public où elle se tenait.
Dans le même temps, l’état d’urgence a été déclaré par le gouverneur démocrate de la Virginie, Terry McAuliffe, ce qui lui a permis de mobiliser davantage de policiers. Il avait préalablement invité ses administrés à ne pas se rendre à ce rassemblement.
« De nombreuses personnes attendues [samedi] à Charlottesville veulent exprimer des idées considérées par beaucoup de gens, y compris moi-même, comme abjectes. Tant qu'ils le font pacifiquement, c'est leur droit », avait souligné le gouverneur.
Dans un air chargé en gaz lacrymogènes, les heurts entre manifestants de la droite radicale et contre-manifestants se sont multipliés avant même le début prévu du rassemblement, avec des rixes, des jets de projectiles et des échanges de coups de bâton.
Les premières escarmouches avaient eu lieu dès le vendredi soir, précise notre correspondant aux Etats-Unis, Grégoire Pourtier
Une voiture percute la foule
Mais c'est d'une voiture-bélier qu'est venu le drame. Les images sont effrayantes : on la voit foncer dans la foule puis reculer, toujours à toute allure, faisant un mort et une vingtaine de blessés chez les militants antiracistes.
« J'ai le cœur brisé de savoir qu'une vie a été perdue ici. J'exhorte toutes les personnes de bonne volonté à rentrer chez elles », a tweeté le maire démocrate de la ville, Mike Signer, qui s'est déclaré « écoeuré et révolté ».
Bilan de la journée : trois morts et des arrestations
Les forces de l'ordre ont procédé à un nombre inconnu d'interpellations et les autorités locales ont donné un bilan de trois morts et 35 blessés : deux policiers tués dans la chute de leur hélicoptère près de Charlottesville et une femme tuée par la voiture bélier.
Le lien entre la chute de l'hélicoptère et les violences des manifestations n'est pas établi. Le conducteur suspect de la voiture, James Alex Fields Jr, âgé de 20 ans et originaire du Kentucky, a été arrêté et incarcéré pour meurtre. Le FBI annonce avoir ouvert une enquête.
Le 8 juillet 2017, quelques dizaines de membres du Ku Klux Klan s'étaient déjà rassemblés dans cette ville paisible, très largement surpassés en nombre par les manifestants antiracistes. Mais les images de ces extrémistes en robe traditionnelle avaient été diffusées dans le monde entier.
Cette fois-ci, la droite nationaliste espérait attirer nettement plus de partisans, grâce à la présence de différents responsables de la mouvance Alt-Right, qui avait soutenu Donald Trump pendant sa campagne.
Polémique politique autour de la réaction présidentielle
Donald Trump a dénoncé samedi, via Twitter, la « haine » et la « violence venant de divers partis » observées dans la ville, sans préciser s’il visait uniquement les groupes d’extrême-droite.
Ce sont ces derniers mots qui font polémique, explique notre correspondant, d’autant que le président les a martelés. En général, Donald Trump a des opinions tranchées, mais cette fois, il renvoie tous les participants à cette journée dos à dos.
Il est possible de débattre de l'origine des premières violences, ou même des premières provocations, mais il est certain qu’il y avait davantage d’électeurs de M. Trump parmi les extrémistes de droite que chez les antiracistes et que ce sont ces derniers qui ont été les principales victimes.
Le président sortant se retrouve donc dans une position inconfortable, la droite nationaliste lui ayant apporté son soutien lors de l’élection. Le célèbre leader raciste David Duke a par exemple tweeté pour lui rappeler que ce sont les Américains blancs qui l’ont élu et pas la gauche radicale.
Mais une majorité de la droite traditionnelle se démarque clairement des mouvements identitaires. Parmi d’autres, Marco Rubio - qui était l’un des adversaires de Donald Trump aux primaires républicaines -, lui a ainsi demandé de classer les faits pour ce qu’ils sont, « une attaque terroriste commise par des suprémacistes blancs ».
Autre prise de position, celle du ministre de la Justice, Jeff Sessions, qui a condamné « l'intolérance raciale et la haine » qui trahissent les valeurs fondamentales américaines. De son côté, Paul Ryan, le leader républicain au Congrès, a dénoncé ce rassemblement de l'extrême droite comme un « spectacle répugnant » fondé sur un « sectarisme vil ».
(Avec AFP).