De notre correspondant à Buenos Aires,
Quel bilan pour le Dakar 2017, 39e du nom et 9e couru en Amérique du Sud ? Les résultats de l’épreuve, qui s’est terminée le 14 janvier à Buenos Aires, sont connus : dans la catégorie auto, domination écrasante des Peugeot, emmenées par un Stéphane Peterhansel qui signe sa treizième victoire. En moto, ce sont encore les KTM qui gagnent, mais avec un nouveau venu, le Britannique Sam Sunderland ; et, pour ce qui est des camions, le Russe Eduard Nikolaïev, sur Kamaz, succède au Néerlandais Gerard De Rooy (Iveco).
Mais les enjeux de ce Dakar n’étaient pas que sportifs. Après huit éditions en terre sud-américaine et en ayant en tête son quarantième anniversaire (2018), le rallye avait besoin de se réinventer. Face à la défaillance du Chili et du Pérou, les organisateurs avaient pris des risques cette année en incluant dans le parcours, aux côtés de l’Argentine, pilier traditionnel de la course, le Paraguay et la Bolivie. Ce dernier pays, qui avait déjà pris part à l’épreuve mais de façon marginale, se voyait octroyer cinq étapes et la journée de repos sur son territoire. Quant au Paraguay, il a eu l’honneur du départ pour sa première participation. Un double pari pour l’équipe du Dakar, et un défi pour chacun des pays concernés.
Par ailleurs, les autorités argentines, confrontées à une certaine désaffection d’un public passionné de sports mécaniques mais pour qui le rallye fait désormais partie du paysage, se devaient de relancer l’intérêt pour l’épreuve. Enfin, les responsables de l’épreuve avaient fait le choix d’un parcours difficile, moins rapide que ceux des années antérieures, et privilégiant la navigation. Tout cela, sous l’œil des pilotes, des constructeurs et des sponsors.
Nouveau look
Dans l’ensemble, ce Dakar new look a répondu aux attentes des uns et des autres, malgré l’annulation des deux étapes annoncées comme les dures et le raccourcissement de plusieurs spéciales pour cause d’aléas climatiques. Le départ d’Asunción, suivi par plus de 30 000 personnes, s’est bien passé, ce qui permet aux autorités paraguayennes d’espérer accroître la participation de leur pays à l’avenir. Il faudra sans doute y aller doucement mais ASO (Amaury Sport Organisation), l’entreprise qui organise le rallye, a une carte de plus en main, d’autant plus intéressante qu’elle ouvre au rallye la possibilité d’inclure dans les futurs tracés des passages en forêt tropicale, environnement quasiment absent jusqu’ici, mais testé avec succès cette année dans le nord-est argentin.
Réussite aussi pour les étapes boliviennes, même si la plus importante d’entre elles a dû être annulée : les pilotes ont apprécié et une foule enthousiaste les a accueillis à La Paz pour la journée de repos. Quant à l’Argentine, pour qui le Dakar est devenu un moment fort de la saison touristique d’été, elle a pu relancer l’intérêt de son public grâce aux animations organisées par les provinces et les municipalités aux arrivées et départs d’étapes. Il faut ajouter que l’accent mis sur la navigation a favorisé la sécurité : pour la première fois depuis que le rallye se court en Amérique du Sud, il n’y a pas eu de morts. Mais le spectacle y a gagné aussi : dans toutes les catégories, la course a été disputée et le résultat a été incertain pratiquement jusqu’à la fin. Les retombées médiatiques n’en ont été que plus importantes, pour le plus grand bonheur des organisateurs et des sponsors.
Bénéfices économiques et politiques
Bref, comme on l’a vu à l’arrivée le 14 janvier à Buenos Aires, tous les partenaires du rallye ont des raisons d’être satisfaits. Le Paraguay, la Bolivie et l’Argentine ont rempli leur part de contrat et tiré des bénéfices (politiques dans les deux premiers cas, économiques dans le troisième) de leur participation au Dakar 2017, ce qui pourrait inciter le Chili et le Pérou à y revenir. Le parcours plus technique, massivement appuyé par les pilotes, est plébiscité par les constructeurs et les sponsors, dans la mesure où il assure une plus grande couverture médiatique. A priori, Étienne Lavigne, le directeur de la course, peut envisager de réaliser en 2018, pour le 40° anniversaire du Dakar, son rêve d’un grand rallye sur cinq ou six pays (ceux déjà cités, plus l’Équateur et, éventuellement, la Colombie).
Mais ce Super Dakar ne sera pas facile à mettre en œuvre par les organisateurs. Car d’année en année, les exigences des pays traversés augmentent. Dans chacun d’eux, le tracé doit être accepté par les ministères de la Sécurité, de l’Environnement et de la Culture (pour éviter tout risque de dommages dans des endroits où il y aurait des vestiges historiques à protéger). Et il leur faudra tenir compte aussi des pressions politiques. Ainsi, en Bolivie, le président Evo Morales, qui a fait du rallye une carte pour sa réélection, tient à ce qu’il passe par La Paz, ce qui n’a guère d’intérêt du point de vue sportif.
Enfin, en Argentine, les autorités provinciales et municipales exigent que les points de rassemblement initialement prévus soient respectés quoi qu’il arrive, compte tenu des investissements réalisés pour favoriser le tourisme à cette occasion. C’est une contrainte sérieuse, comme on l’a vu cette année, quand, suite à l’annulation d’une partie du parcours, les organisateurs ont été empêchés, sur intervention du gouverneur de la province de Salta Juan Manuel Urtubey, de mettre en place un trajet alternatif parce qu’il laissait de côté des localités inscrites au programme. La caravane a dû y passer, même si la course était officiellement arrêtée. C’est cette donnée, insuffisamment prise en compte jusqu’ici, qui représente le principal défi pour le Dakar 2018.