Avec notre envoyée spéciale à Bogota, Véronique Gaymard
Ils étaient environ deux cents étudiants de l'Université pédagogique nationale à descendre la Carrera 7, l'avenue qui traverse la capitale Bogota du nord au sud. Avec des pancartes « Oui à la paix, non à la guerre », ils demandaient au gouvernement de ne pas oublier le fond des accords de paix avec les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), la fin du conflit armé.
Ils sont très remontés contre l'opposition de l'ex-président Alvaro Uribe qui a selon eux semé une campagne haineuse qui a abouti à la victoire du «non» au référendum de dimanche.
Andrés Ospina est étudiant en sciences physiques, il a pris la tête du cortège. « Nous marchons pour la paix car nous ne sommes pas d'accord avec cette polarisation qui s'est manifestée dimanche lors du vote, et tout ça basé sur la peur, la haine, la rancœur ! Ces forces politiques qui n'ont pas voulu d'un accord de paix définitif nous ont fait tourner le dos à ces populations rurales vulnérables qui elles ont vécu la guerre, qui ont vécu la douleur ! a-t-il dénoncé. Aux victimes, aux déplacés, c'est à eux qu'ils ont tourné le dos. Et nous sommes ici pour protester contre tout ça. Pour l'instant, on est dans une période d'incertitude concernant ce qui va se passer. Et c'est ce qu'on rejette ! »
Le « non » qui déçoit
Certains électeurs du « oui » ont fait part de leur déception. Martha Luz Amorocho a perdu un de ses fils âgé de 20 ans dans l'attentat à la bombe attribué aux FARC contre le club d'entrepreneurs d'El Nogal, au nord de Bogota, le 7 février 2003. Son deuxième fils a été grièvement blessé. Malgré sa douleur, elle a voté oui au référendum et espère désormais que le dialogue reprendra entre les deux camps.
« Mon fils Alejandro est arrivé ici, à ce moment-là la bombe a explosé, il est mort sur le coup. Le café où se trouvait mon autre fils Juan-Carlos qui l'attendait s'est effondré, et une poutre est tombée sur lui. Il a été en coma profond pendant 13 jours. Ca va faire 14 ans que cela s'est produit. Malgré cela, je pense qu'on a l'opportunité de changer, pour que ce genre de choses ne se reproduise plus. La seule manière de réparer envers nous les victimes, c'est que ça n'arrive plus. On ne va pas nous rendre nos êtres chers. On a ressenti de la tristesse lorsque le oui a perdu au referendum, mais finalement le plus difficile ce n'est pas que le oui a perdu ou que le non a gagné. Moi ce qui me cause le plus de douleur, c'est que dans un moment pareil il y ait eu 60% d'abstention. Bien sûr on est désormais dans l'incertitude de ce qui va se passer, mais c'est une opportunité qui s'offre à nous ! Et puis en ce moment, les victimes aussi pourraient contribuer à la reconstruction », souhaite-t-elle.
Une nouvelle phase de dialogue avec les FARC
Ce lundi, le président Juan Manuel Santos a convoqué les partis politiques qui ont approuvé la création d'une commission de dialogue national à laquelle l'opposition est invitée à se joindre.
Il a également annoncé une nouvelle phase de dialogue avec la guérilla des FARC. « J'ai demandé à Humberto de la Calle, que j'ai confirmé comme chef négociateur (...), d'entamer les discussions qui nous permettront d'aborder tous les thèmes nécessaires afin d'aboutir à un accord et au rêve de toute la Colombie d'en finir avec la guerre avec les FARC », a-t-il déclaré dans la soirée lors d'un discours télévisé.
Plus tôt dans la journée, le chef des FARC s’était dit disposé à « rectifier » l’accord de paix rejeté par le référendum de dimanche, assurant que la guérilla resterait « fidèle à ce qui a été accordé » et maintiendrait « le cessez-le-feu bilatéral et définitif ».