Harold a 19 ans. Ce Bogotanais (habitant de Bogota) prépare la Gay Pride avec enthousiasme. Il a prévu un maquillage spécial et invité le maximum d'amis pour grossir le cortège. « Je veux me peindre tout le visage avec les couleurs du drapeau LGBT. Sur la joue, je mettrai aussi les mêmes couleurs en forme de cœur. Je suis super excité à l'idée d'y participer. »
Cet étudiant reflète l'espoir de la jeunesse colombienne quant aux changements dans un pays à majorité catholique. La célébration de la première union homosexuelle, à Medellín, a confirmé l'élan du changement. Depuis la décision de la Cour constitutionnelle, le 28 avril, en faveur de ce droit pour la communauté LGBT, un juge ou un notaire est habilité à reconnaître et enregistrer l'union civile des couples du même sexe.
Harold veut voir cela comme un signal d'évolution des mœurs et des mentalités. « Je ne suis pas le seul à penser que le pays est en train de se transformer. On ne peut pas nier qu'être homosexuel en Colombie n'est pas tous les jours facile. Mais, il ne faut pas se laisser envahir par le négatif. Ça avance. »
Violences policières, homicides, et impunité
Pourtant, en 2015, Bogotá était le troisième lieu dans le pays où a été enregistré le plus grand nombre de violences contre les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres durant les années 2013 et 2014. Selon les informations du journal El Espectador, durant ces deux années, 164 homicides contre la communauté LGBT ont été signalés. La majeure partie des cas se concentre dans la région d'Antioquia, la Vallée du Cauca, et Bogotá avec respectivement 51, 32 et 18 homicides. Côté justice, seules cinq condamnations pour homicide ont été prononcées.
A ce constat s'ajoutent les violences policières, notamment contre les transgenres. L'organisation non gouvernementale Colombia Diversa a recensé 222 cas. En 2013, 79 faits ont été reconnus, mais en 2014, les chiffres ont atteint les 143. Sur l'ensemble, le nombre de victimes s'élève, approximativement, à 240 personnes : 110 transgenres, 41 gays, 35 lesbiennes et 8 bisexuels.
La peur d'une attaque telle celle d'Orlando
Johan a 35 ans. Originaire de la région de Villavicencio près de Bogota, il vit désormais à Medellín où il dirige un restaurant. Les images de l'attaque d'Orlando l'ont choqué et marqué. Si son compagnon tente de le convaincre de participer à la marche de la fierté de Medellín, lui émet des réserves. « J'avoue que j'ai peur. Tout est possible. Quand on voit ces images à Orlando, on se dit que nous aussi on peut devenir des cibles. Un rassemblement, comme la Gay Pride, c'est une occasion unique pour une personne qui voudrait tuer un maximum de personnes. »
A l'inverse, Felipe, 27 ans, ne veut pas céder. « Pour moi, si on ne va pas à la marche, c'est jouer le jeu des terroristes. On doit se battre pour nos droits. Je ne veux pas me laisser bloquer par des fanatiques ou des terroristes. »
En avril dernier, après l'Argentine, le Brésil et l'Uruguay, la Colombie était le quatrième pays d'Amérique latine à autoriser le mariage de personnes du même sexe. L'an dernier, en novembre, la Cour constitutionnelle a également autorisé l'adoption aux couples homosexuels. Cette année, avec l'ONG Colombia Diversa, la marche représentera sept thématiques générales : l'égalité, la paix, la famille, la liberté, la justice, la dignité et la vie.
À consulter: Premier mariage homosexuel à Medellín le 24 juin 2016 (reportage tv)