Avec notre correspondant à Rio de Janeiro, François Cardona, et notre envoyé spécial à Brasilia, Achim Lippold
Au Brésil, Michel Temer, le nouveau président intérimaire de centre-droit, entré en fonction après la suspension de Dilma Rousseff, a promis un programme de réformes libérales et des coupes dans les dépenses publiques pour relancer l'économie du pays. Mais après les scandales de corruption à répétition de ces derniers mois, qui ont poussé la présidente vers la sortie, le nouveau gouvernement n'échappe pas aux critiques.
Sa composition fait déjà polémique. Il ne comporte aucune femme, par exemple. Mais surtout, un grand nombre de ses membres font l'objet d'enquête pour corruption. Sur les 24 ministres du nouveau gouvernement Temer, sept sont cités dans l'enquête sur le scandale de corruption Petrobras, dans lequel plus de 2 milliards d'euros ont été détournés des caisses du géant pétrolier brésilien.
Un gouvernement polémique
Le nouveau président par intérim a choisi un gouvernement plus restreint que celui de Dilma Rousseff. Mais son ministre de la planification ainsi qui celui des Villes sont soupçonnés d'avoir reçu d'importants pots-de-vins, via la plus grande entreprise de bâtiment du Brésil, Odebrecht, en contrat avec Petrobras. Le ministre de la Santé est également dans le collimateur de la Cour suprême pour avoir faussé des appels d'offre publics. Quant à José Serra, le nouveau ministre des Affaires étrangères, un ami proche de Michel Temer, il est visé par plusieurs enquêtes, dont une pour malversation.
Le nouveau président par intérim est également critiqué pour avoir fait en quelque sorte disparaitre le ministère de la Culture, désormais associé à l'Education dans un seul portefeuille. Cette décision a provoqué les protestations de plusieurs grands artistes brésiliens. Le ministre de la Justice, ancien secrétaire à la sécurité de Sao Paulo, a quant à lui été très critiqué pour le comportement brutal de la police lors de plusieurs mouvements sociaux l'année dernière.
Sensibiliser l'opinion
A Brasilia, une petite équipe de journalistes s'est spécialisée dans ces affaires de corruption et a monté un observatoire pour sensibiliser l'opinion publique. Son directeur, Sylvio Costa, est l'un des meilleurs connaisseurs de la vie parlementaire à Brasilia. Il y a 12 ans, cet ancien reporter de La Folha de Sao Paulo a fondé le journal Congresso em Foco, devenu ensuite un site de référence.
Lors du vote au Sénat sur la destitution de Dilma Rousseff, Sylvio Costa a tweeté des informations sur les parlementaires soupçonnés de corruption avec les charges retenues contre eux. « Ces gens-là non seulement poursuivent leur carrière politique mais ils contrôlent la politique, explique-t-il. Le Congrès est entre les mains de Renan Calheiros, président du Sénat, et d'Eduardo Cunha, président de la Chambre des députés, qui a lancé la demande de destitution contre Dilma. Et moi je le dis et je l'écris : ce sont des bandits ».
Son objectif consiste à sensibiliser les Brésiliens, à informer pour changer les choses. Malgré le scandale de Petrobras, le journaliste se veut optimiste. Ces dernières semaines, le site de Congresso em Foco est sollicité comme jamais auparavant. Pour Sylvio Costa, il s'agit de la preuve que les affaires de corruption sont de moins en moins tolérées par l'opinion publique brésilienne.