Avec nos correspondants à Rio de Janeiro et São Paulo, François Cardona et Martin Bernard
Sur le présentoir du kiosque à journaux, toutes les unes annoncent la fin toute proche de Dilma Rousseff. Raul, 21 ans, est étudiant. Tous les après-midi, il travaille comme vendeur dans le kiosque. Devant lui, les magazines rappellent les derniers épisodes à suspens de la procédure de destitution et les révélations quotidiennes du scandale de corruption Petrobras.
« C'est comme si on était en train de regarder une novela, confie-t-il. On n'a plus aucun contrôle sur la politique. Je me sens impuissant, et surtout j'ai un peu peur du futur. Je ne sais pas ce qui va se passer maintenant. Tout peut arriver, à l'importe quel moment. »
→ Le système politique brésilien atteint ses limites
En réalité, la destitution de Dilma Rousseff, que l'opposition réclame depuis des mois, cache une récession économique profonde. L'inflation et le chômage ont atteint des records. Les Brésiliens les plus modestes sont gravement affectés. Pour Irène, femme de ménage, et dont les deux fils sont sans emploi depuis trois mois, la destitution de la présidente risque de ne rien y changer. « Ca n'a jamais été aussi dur dans ma vie. Et c'est pour beaucoup de gens la même chose. Les prix ne cessent d'augmenter. Tout est de plus en plus cher. On n'en peut plus vous savez », explique-t-elle.
Les pro-Dilma donnent aussi de la voix
Cependant, la présidente compte encore bon nombre de partisans parmi la population. Du nord au sud du pays, des protestants ont manifesté contre la tentative de destitution de la présidente. A l'aube, ils ont fait flamber des pneus et dressé des barricades sur de grands axes routiers près de Rio. L'accès à l'aéroport international de São Paulo a aussi été bloqué pendant plusieurs heures. Plus de 500 km de bouchons dans la ville. Rassemblement aussi à Fortaleza, Porto Alegre et Curitiba.
La mobilisation était prévue depuis le 1er mai. Les syndicats et les militants de gauche, comme le mouvement des Sans-Terre, avaient annoncé leur intention de protester à la veille du vote de la destitution. Une procédure qu'ils jugent être un coup d'Etat et qui vise à mettre un terme à une expérience de treize ans de la gauche au pouvoir au Brésil. Ils promettent de continuer à occuper le terrain, même après l'éventuelle mise à l'écart de Dilma Rousseff.
Les crises vont se poursuivre
Les sénateurs doivent se prononcer aujourd'hui sur la destitution. Un vote qui ne devrait pas réserver de surprises, car une cinquantaine de sénateurs sur les 81 ont déjà annoncé leur intention de voter en faveur de l'ouverture du procès en destitution de la présidente brésilienne. « Notre idée est de commencer la séance ce mercredi à 9h. Nous espérons avoir au moins la participation de 60 orateurs (sénateurs). Si cela se confirme, nous aurons 10 heures de séance. Mais notre objectif est toujours de conclure cette séance encore ce mercredi », a déclaré Renan Calheiros, président du Sénat brésilien.
Quant à la principale intéressée, elle a déposé un recours devant la Cour suprême. Un nouveau coup de théâtre se prépare peut-être. Mais quoi qu'il en soit, le vote des sénateurs sur la mise en accusation de la présidente ne résoudra pas la crise politique et la récession économique ne cesse de s'aggraver.