Canada: une tribu amérindienne de l'Ontario fait face à un pic de suicides

Le chef indien de la nation Cri d’Attawapiskat a déclaré l’état d’urgence dans son village situé dans le nord du Canada. Aucune inondation n’a dévasté la localité, ni épisode d’eau contaminée comme cela a pu arriver ces dernières années. Cette fois, c’est la jeunesse du village de 2 000 habitants qui est frappée de plein fouet par une vague de suicides. 86 personnes ont tenté de mettre fin à leurs jours depuis septembre dernier, dont 28 en mars et 11 en avril.

De notre correspondante à Montréal,

Dès lundi 11 avril, le gouvernement canadien et celui de l’Ontario, la province où se trouve Attawapiskat, ont envoyé une équipe d’urgence. Une vingtaine de psychologues, de médecins, d’intervenants sociaux, tous spécialisés en tentative de suicide ont prix l’avion pour rejoindre ce village isolé, à près de 1 000 kilomètres au nord de la plus proche ville.

Ces professionnels doivent relayer les infirmières locales sur place, épuisées après des mois à essayer de soutenir la population. Le même jour, la police sur place a découvert que 13 jeunes d’Attapiskat avaient convenu de se suicider. Comme la place manquait pour tous les hospitaliser et faire un bilan psychiatrique, la moitié d’entre eux se sont retrouvés en prison. C’était le seul endroit disponible pour les surveiller et s’assurer qu’ils ne mettaient pas leur projet à exécution.

Ce n’est pas la seule communauté autochtone qui fait face actuellement à des vagues de suicide. À Kuujjuaq, un village de 2500 habitants dans le Nord du Québec, cinq jeunes de moins de 20 ans ont décidé ces dernières semaine d’en finir avec la vie.

Epidémie de suicides

Les députés ont souligné, lors d’un très long débat parlementaire, le manque d’infrastructures dans cette localité très isolée. Les habitants s’entassent parfois à une quinzaine dans des maisons insalubres, mal isolées, sans eau courante, alors que la température l’hiver est glaciale.

Le village subit souvent des inondations au printemps, sans parler de la contamination de l’eau potable au méthane. L’école vient tout juste d’être rebâtie après dix ans de fermeture car elle était construite sur un sol contaminée par les hydrocarbures. La vie matérielle à Attawapiskat constitue donc un combat quotidien.

Une dépendance sociale forte depuis 140 ans

Pour beaucoup de spécialistes, le désespoir des jeunes s’explique par l'état de dépendance sociale dans lequel vivent les communautés amérindiennes depuis plus d’un siècle. Plus exactement depuis 140 ans, la date à laquelle a été votée la loi sur les Indiens, qui assujettit les populations qui vivent sur les réserves. En demeurant sur ces territoires, les membres des Premières Nations ne sont pas des citoyens à part entière, même s’ils ont le privilège de ne pas y payer d’impôts.

Cet héritage colonial a laissé des traces indélébiles dans la population, qui a vécu une acculturation forcée en étant scolarisée dans des écoles dirigées par des blancs. C’est tout cela qu’il faut régler pour espérer redonner espoir à une jeunesse en proie au mal de vivre, estiment les spécialistes. Jean Chrétien, l’ancien Premier ministre du Canada, pointe lui du doigt l’isolement de la communauté, complètement coupée du reste du pays. Il a même suggéré qu’une partie des Amérindiens pourraient déménager.

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