Lors de cette visite, le chef de l’Etat a su séduire, frapper les esprits avec son franc-parler. Obama a non seulement marqué des points côté Cubains mais aussi sur le plan de la politique intérieur. Le Congrès se retrouve désormais sous pression, alors que la majorité républicaine continue de s’opposer à la levée de l’embargo. Comme prévu le président américain n’a pas rencontré Fidel Castro. Il s’est en revanche entretenu avec une douzaine d’opposants cubains, dont il a salué le courage extraordinaire.
Durant son discours au Grand Théâtre de la Havane, présenté comme le point d’orgue de ce premier voyage d’un président américain à Cuba depuis 88 ans, Barack Obama s’est livré à un plaidoyer passionné en faveur des libertés à Cuba, évoquant notamment des élections libres. Mais il a surtout insisté sur le rôle que la jeunesse cubaine devait désormais jouer dans le futur du pays.
Un message entre espoir et réalisme
Notre envoyée spéciale à La Havane, Stéphanie Schüler, décrit un théâtre Alicia Alonso qui fait salle comble. Pourtant, quand Barack Obama adresse à la jeunesse cubaine un message d'espoir en l'avenir, le silence est complet. « Pas de fausses promesses affirmant que les choses sont meilleures qu'elles ne le sont, ni d'optimisme aveugle qui voudrait que tous vos problèmes puissent disparaître demain. Je parle d'espoir en un avenir que VOUS pouvez choisir, façonner et construire pour votre pays », a harangué le président américain.
Le président est réaliste : il sait que des milliers de jeunes Cubains cherchent à rejoindre les Etats-Unis. Barack Obama promet d'améliorer les conditions économiques sur l'île grâce au rapprochement entre Washington et La Havane. « J'ai cet espoir, parce que je crois que les Cubains sont aussi inventifs que les autres peuples du monde. Dans une économie mondiale, stimulée par des idées et des informations, la richesse d'un pays c'est la force de sa population. Le Cubain invente à partir de rien. »
« Si se puede ! »
Quant à l'ouverture politique de Cuba : « Une évolution est déjà en cours à Cuba: un changement générationnel. Beaucoup voulait que je vienne à Cuba pour demander aux Cubains de détruire quelque chose. Mais moi, je lance un appel aux jeunes : érigez quelque chose ! Construisez quelque chose de neuf ! L'avenir de Cuba est entre les mains des Cubains ».
Et le président américain de conclure cette tribune inédite par un appel à poursuivre le rapprochement entre les deux pays malgré toute leurs différences politiques économiques et sociales. « Nous pouvons faire ce voyage en tant qu'amis, voisin et familles », estime Barack Obama, qui termine ce discours à la Havane sur son fameux slogan de campagne « Yes we can ! » - qu'il traduit pour l'occasion en espagnol : « Si se puede ! »
■ Réactions de Cubains au discours d'Obama
Certains habitants de la Havane, qui ont suivi le discours de Barack Obama, se disent convaincus par le président américain. C’est le cas de Samuel. « Je ne peux pas croire ce que je suis en train de voir, je ne peux pas croire ce qu'Obama est en train de faire dans notre pays ! J'espère que cela va continuer comme cela et que les relations entre Cuba et les Etats-Unis vont s'améliorer et devenir bonnes, confie-t-il. Après tant d'années de conflit nous sommes enfin réconciliés. »
Un sentiment partagé par Dilma. « C’est une très grande émotion, après toutes ces années, de voir un président américain ici à Cuba, qui nous parle directement. Nous sommes impatients de voir ce qui va se passer, ce qui va changer, souligne-t-elle. Quand ils se sont réunis avec les entreprises, on sentait qu’il y avait cette envie d’aider les entreprises privées, la jeunesse pour développer l’économie du peuple. »
L’un comme l’autre souhaitent désormais que le Congrès américain lève l’embargo qui pèse sur le pays depuis 1962. Et que les avancées et les concessions se fassent des deux côtés. Désie, bien qu’elle trouve le président « très chaleureux » et « bon orateur », se méfie.
« J'ai des doutes sur tout cela. Parce qu'après toutes ces années de conflit je n'ai pas confiance. J'attends de voir des changements pour y croire, insiste-t-elle. Je commencerai à croire les Américains quand ils respecteront nos demandes, quand ils respecteront notre idéologie et quand ils lèveront l'embargo. Mais en attendant je ne leur fais pas confiance... »