De notre correspondant à La Paz
Le président sortant, le socialiste Evo Morales, est largement favori pour obtenir un troisième mandat à la tête du pays. Lors du scrutin qui aura lieu le 12 octobre prochain, le Parlement sera également entièrement renouvelé. Mais ce qui fait scandale en ce moment en Bolivie, ce sont des petites phrases malheureuses et des enregistrements clandestins.
Ciro Zabala, un candidat au Sénat pour le parti au pouvoir, le Mouvement vers le socialisme (MAS), est le premier à avoir fait malgré lui la Une des médias en déclarant à la presse que « les femmes qui s’enivrent et s’habillent de façon provocatrice s’exposent au crime ».
« Masochistes »
C’est ensuite Samuel Doria Medina, candidat à la présidence et principal rival du chef d’Etat Evo Morales, qui a attiré l’attention médiatique. Dans un enregistrement audio réalisé à son insu, il fait pression sur la compagne de l’un de ses candidats à la députation afin qu’elle retire une plainte pour violence déposée contre son compagnon.
Et c’est enfin le président sortant Evo Morales lui-même, dans un autre enregistrement audio, qu’on entend en substance qualifier les femmes battues de « masochistes ». L’enregistrement n’a pas été authentifié, mais on semble bien y reconnaître la voix du chef de l’Etat, qui s’est déjà fait remarquer par le passé en tenant des propos machistes.
Excuses publiques
Les réactions dans le pays sont à la mesure des propos publiés : le candidat au Sénat pour la majorité, Ciro Zabala, a immédiatement fait l’objet sur les réseaux sociaux et dans les médias d’une campagne pour qu’il renonce à sa candidature. Zabala n’a pas obtempéré et a même reçu le soutien du président Morales – qui s’est tout de même excusé publiquement pour les propos de son candidat.
Les choses sont plus compliquées pour Samuel Doria Medina, le candidat à la députation accusé de violences envers sa compagne : il finalement annoncé mercredi soir le retrait sa candidature. Enfin, aucun commentaire n’a été fait du côté du palais présidentiel suite aux supposés propos d’Evo Morales sur les femmes battues. Le candidat de l’opposition, qui a divulgué l’enregistrement à la presse, a été placé le jour suivant en détention préventive accusé d’avoir falsifié des documents officiels dans un dossier remontant à 2011.
Hausse alarmante
Ces propos machistes ont été tenus alors que les violences envers les femmes connaissent une hausse alarmante dans le pays : ces dernières années, la Bolivie est devenue le pays d’Amérique latine où l’on dénombre le plus de violences physiques à l’encontre des femmes, et le second après Haïti en ce qui concerne les violences sexuelles, d’après des rapports de l’Organisation panaméricaine de la santé et des Nations unies. Depuis le début de l’année, 98 femmes ont été assassinées en Bolivie, dont 59 ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon, d’après une autre étude, publiée tout récemment.
Une loi a été votée l’an passé pour faire à ce phénomène. Le texte inscrit notamment pour la première fois le « féminicide » dans le code pénal, qu’il punit de trente années de prison. Mais l’inefficacité et la corruption de la police et de la justice bolivienne font que l’impunité continue de prévaloir. Lundi 1er septembre, des dizaines d’activistes des droits des femmes ont manifesté à La Paz pour demander aux autorités de déclarer un état d’urgence dans ce dossier, ainsi que pour réclamer la démission de tous les candidats ayant tenu des propos machistes.