Le scrutin proportionnel pour plus de représentativité au Chili

Au Chili, la présidente Michelle Bachelet a envoyé au Parlement un projet de loi qui changera en profondeur la politique chilienne s’il est adopté. Il s’agit d’une réforme du mode de scrutin parlementaire. Le système actuel, dit binominal, date de la dictature d’Augusto Pinochet. Il est critiqué pour son manque de représentativité.

Le système binominal est le mode de scrutin qui permet au Chili d’élire les députés et les sénateurs. Il s’applique uniquement lors des élections parlementaires. C’est un système unique au monde, inventé par la dictature militaire d’Augusto Pinochet, qui permet de maintenir le Parlement presque à égalité entre la gauche et la droite de manière artificielle, quelle que soit la majorité qui s’exprime dans les urnes. Chaque bloc forme une liste et soumet aux électeurs deux candidats. Pour que les deux candidats de cette liste soient élus, il leur faut, à eux deux, dépasser 66 % des voix. S’ils n’y parviennent pas, c’est le candidat de la deuxième liste qui a le plus de voix qui est élu. Autrement dit, un candidat qui a 17 % des voix peut être élu devant un candidat qui a 30 % des voix.

Un scrutin qui date de la dictature de Pinochet

Avec ce mode de scrutin mis en place il y a 25 ans, la dictature a réussi à maintenir une droite forte et, donc, à éviter toute possibilité de réforme importante qui modifierait le système politique qu’elle a mis en place.  La Constitution actuelle reste, par exemple, celle de la dictature. Ce mode de scrutin oblige les partis à former des coalitions, et ces coalitions à négocier entre elles pour faire passer les lois. Elle pousse les partis à éviter de renouveler ses représentants. Les parlementaires sont en effet à 80 % les mêmes depuis 25 ans...

Elle empêche aussi l’arrivée sur les bancs des Assemblées des indépendants et des membres de petits partis. Autrement dit, elle paralyse la vie politique avec la présence des mêmes têtes, des mêmes partis, des mêmes coalitions, et un consensus systématique. Autant de facteurs qui ont dégoûté les Chiliens de la politique. Lors des dernières élections où le vote était libre et non plus obligatoire, l’abstention tournait autour de 60 %. Et c’est cette profonde critique de la société chilienne qui pousse la droite aujourd’hui à accepter une réforme de ce système.

La proportionnelle pour remplacer le système binominal

La présidente Michelle Bachelet prône la mise en place du scrutin proportionnel. C’est en fait un retour au système antérieur à la dictature. Il devrait permettre l’irruption de nouveaux partis, de petits partis, donc un renouvellement des élites politiques, un nouveau souffle. Il irait aussi de pair avec un quota obligatoire de 40 % de femmes. En revanche, les indépendants ne se verront pas forcément plus avantagés. La réforme de Bachelet découpe en effet le territoire en circonscriptions beaucoup plus grandes. Il faudra donc plus d’argent pour faire campagne. Le porte-à-porte dans les petites circonscriptions n’y suffira plus. Il y aura aussi 47 parlementaires de plus. Ce qui pourrait monter la population contre la réforme : les Chiliens trouvent déjà qu’il y a trop de parlementaires et qu’ils gagnent trop. Ainsi, au Chili, un sénateur gagne 50 fois le salaire minimum. Même si elle a de grandes chances d’être adoptée et si elle insuffle sans aucun doute plus de démocratie, il n'est pas sûr que cette réforme réconcilie les Chiliens avec la politique.

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