Hurricane Carter s’est éteint après toute une vie de combats

Aspirant malheureux au titre de champion du monde des poids moyen au milieu des années 1960, l’ancien boxeur américain Rubin « Hurricane » Carter s’est éteint ce 20 avril 2014 à Toronto au Canada. Incarcéré durant 18 ans pour un triple meurtre qu’il a toujours nié avoir commis, il avait inspiré une chanson à Bob Dylan en 1975.

Sa vie était un roman. Il en a d’ailleurs tiré un livre, 16e round, écrit en prison et publié en 1974 avant d’inspirer une chanson à Bob Dylan en 1975, puis un film à Norman Jewison en 1999. L’ancien boxeur américain Rubin « Hurricane » Carter s’est donc éteint ce 20 avril 2014 chez lui à Toronto (Canada), où il avait emménagé il y a une vingtaine d’années.

Sa trajectoire revêt quelques similitudes avec celle de Mike Tyson, même si les deux hommes n’ont pas boxé aux mêmes époques ni dans la même catégorie. Enfance difficile dans le New Jersey au sein d’une famille de sept enfants, difficultés d’élocution, premiers démêlés avec la justice à l’âge de 12 ans suivis d’un séjour en maison de correction, puis la boxe comme échappatoire, et enfin la prison.

L’ascension puis la chute

La comparaison s’arrête là cependant car Tyson - qui a purgé une peine de 6 ans pour viol dans les années 1990 - n’a jamais été accusé de meurtre. C’est à l’armée que Carter apprend la boxe au milieu des années 1950, un séjour sous les drapeaux durant lequel il démontre assez d’aptitude dans la pratique du noble art pour passer professionnel en 1961. Durant cinq ans, il va monter quarante fois sur le ring avec un bilan de 27 victoires dont 20 avant la limite car Rubin était un puncheur d’où son surnom de « Hurricane » (La Tornade). Sa carrière connaît un sérieux coup d’arrêt en décembre 1964 à Philadelphie lorsqu'il perd face à Joey Giardello en 15 rounds, titres WBA et WBC en jeu. Hurricane ne sera jamais champion du monde.

Après cette défaite, son étoile commence à pâlir et c’est peut-être la raison pour laquelle il se trouve au mauvais endroit au mauvais moment en cette nuit de juin 1966 durant laquelle deux hommes et une femme, tous trois blancs, sont abattus d’une rafale de coups de feu au Lafayette Grill de Paterson, commune du New Jersey. La même nuit, Rubin et son camarade John Artis se trouvent bien dans les parages après avoir écumé les bars mais ils nieront toujours être allés au Grill. Deux mois plus tard, alors qu’il rentre d’Argentine où il vient de disputer ce qui s’avèrera être son dernier combat, une défaite, Rubin Carter est arrêté, de même que John Artis.

Lors du procès l’année suivante, trois témoins ont beau disculper les deux hommes en affirmant les avoir vu ailleurs qu’au Lafayette Grill au moment du triple meurtre, Carter et Artris sont déclarés coupables sur la foi des affirmations de deux témoins à charge, deux blancs dénommés Alfred Bello et Arthur Bradley. Les deux accusés font appel mais il leur est refusé et ce n’est que 8 ans plus tard, en 1975, que Hurricane devient une cause célèbre grâce à Bob Dylan qui lui consacre la chanson éponyme. Plus grand succès commercial de Dylan, ce plaidoyer qui claque comme un coup de fouet va faire le tour du monde. Persuadé que le combat est juste, le chanteur organise même deux concerts de soutien à Hurricane Carter au Madison Square Garden de New York puis à l‘Astrodome de Houston.

Jugements contradictoires

Les juges reviennent alors sur leur verdict et Carter, ainsi qu’Artis, sont libérés. Pas pour longtemps, hélas pour eux. L’un des témoins, Bello, revient à nouveau sur sa déposition et les deux accusés retournent en prison en décembre 1976, sur fond de vengeance raciste. Envolés cette fois-ci les soutiens, Dylan et ses amis se détournent de son sort. L’auteur de Blowin’ in the Wind ne rejouera d’ailleurs plus jamais Hurricane sur scène. Après maintes procédures, Artis est quand même libéré sur parole en 1981 puis Hurricane Carter en 1985, un juge de Newark estimant que le verdict de 1976 est anticonstitutionnel. En 1988, sa condamnation est définitivement annulée.

Dès lors, Rubin Carter va consacrer le reste de a vie à lutter contre les inégalités et les erreurs judiciaires, notamment avec sa fondation Innocence International. En 1999, Norman Jewison lui consacre le film Hurricane avec Denzel Washington dans le rôle principal, interprétation qui vaut à l’acteur un Golden Globe ainsi qu’une nomination aux Oscars. Retiré à Toronto (Ontario) depuis les années 1990, Rubin Carter a succombé à un cancer de la prostate, un dimanche de Pâques. « Durant les jours sur cette planète, j’ai vécu l’enfer durant les 49 premières années et j’ai connu le paradis ces 28 dernières années » confiait-il en février dernier au quotidien The Daily News, une phrase qui prend encore plus de sens au lendemain de sa disparition.

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