De notre correspondant à Mexico,
C’est un succès indéniable pour Enrique Peña Nieto dont la stratégie anti-drogue n’avait pas donné jusqu’alors de bons résultats. Aujourd’hui, 70 % des Mexicains sont contents de cette arrestation.
Mais ce qui attire le plus l’attention, c’est qu'el Chapo a été arrêté par la Marine nationale avec l’aide des services secrets nord-américains, mais ni la police fédérale, ni l’armée de terre, ni même la DEA, l’anti-drogue américaine, n’avaient été prévenues de cette opération, comme si le président n’avait pas une confiance totale dans ces institutions.
Pour une fois, le secret a été parfaitement gardé et si el Chapo parle, il pourrait bien mettre en cause des hommes politiques, des militaires, des policiers corrompus qui le protégeaient. Maintenant, on peut aussi se demander comment ce criminel, qui est parvenu à échapper à toutes les polices du monde, a pu se faire prendre aussi bêtement avec sa femme et ses enfants.
Une arrestation négociée ?
Cet homme qui a une dizaine de sosies, une armée de gardes du corps, qui ne dort pas deux soirs de suite dans le même lit, se fait arrêter comme un vulgaire voleur de voitures. Est-ce qu’il n’a pas baissé les bras ? Il est en cavale et sait que l’étau se resserre et que les Américains vont lui tomber dessus. Pour les barons de la drogue, la règle est de ne pas être jugé aux Etats-Unis où les conditions de détentions sont très dures. Les prisons mexicaines sont beaucoup plus confortables, surtout lorsque l’on possède une fortune en centaine de millions de dollars.
El Chapo peut donc avoir négocié son arrestation pour éviter son extradition. Pour l’heure, le gouvernement a annoncé que c’était « son » prisonnier et qu’il ne serait pas extradé pour le moment aux Etats-Unis. Le procureur général Eric Holder le réclame pour trafic de drogue alors qu’au Mexique il n’a été arrêté que pour association de malfaiteurs dans le but de commettre des délits contre la santé.
→ A (RE)LIRE : Mexique: arrestation du chef du cartel du Sinaloa
Vers un éventuel affaiblissement du cartel du Sinaloa
Le cartel du Sinaloa est le plus puissant du monde. El Chapo, qui est un peu le Pablo Escobar des Mexicains, est parvenu à en faire une entreprise très performante liée à toutes les grandes mafias. Il est présent dans 54 pays avec une puissance financière qu’il tire de la vente de la drogue et du blanchiment de dizaines de milliards de dollars.
C’est un cartel construit comme une multinationale, avec des ramifications, des filiales, des employés qualifiés, des services de sécurité. Les experts estiment qu’il sera difficile de démanteler cette organisation criminelle. Le cartel du Sinaloa au Mexique pourrait en revanche être très affaibli si les deux associés d’el Chapo - José Esparragoza, « El Azul », et Ismael Zambada, « El Mayo » -, ne parviennent pas à se mettre d’accord. Il y aurait alors une guerre de succession qui permettrait aux autres cartels de s’emparer de leur territoire, ce qui déclencherait une nouvelle vague de violence.