«J’ai couru le marathon de New York!»

Un an après son annulation forcée par l’ouragan Sandy et sept mois après l’attentat de Boston, le marathon de New York a battu un record de participation avec 50 740 coureurs. De nombreux coureurs étaient vêtus de jaune, la couleur de Boston, en hommage aux coureurs et spectateurs victimes de l'attentat d'avril dernier. Karim Lebhour, notre correspondant à New York, malgré le deuil qui touche RFI, a pris le départ de la course.

De notre correspondant à New York,

Le départ de mon marathon à Staten Island était assombri par la mort de Ghislaine et de Claude. Etrange résonance avec les nombreux coureurs vêtus de jaune, la couleur de Boston, en hommage aux coureurs et spectateurs du marathon de Boston, victimes en avril dernier de la même idéologie criminelle qui a tué nos confrères. A New York, la sécurité était considérablement renforcée : chiens renifleurs, fouilles, policiers en civil dans la foule, des milliers de caméras sur les 42 kilomètres du parcours et une nuée d’hélicoptères vrombissants au-dessus de l’imposant pont Verrazano.

Après un an d’attente et six mois d’entraînement, je m’élance enfin au son de Franck Sinatra, New York, New York. La vue sur l’île de Manhattan depuis le pont est époustouflante. Certains s’arrêtent pour prendre des photos. Au bout du pont, c’est l’entrée à Brooklyn et la clameur du public donne des ailes. Le marathon commence vraiment.

Ce sont les 2 millions de spectateurs massés tout au long du parcours qui « font » le marathon de New York. Pendant les 20 kilomètres de la traversée de Brooklyn, la ferveur est inégalable. Les chorales chantent devant les églises. Des groupes de rock, des fanfares donnent le rythme. Des spectateurs tendent la main pour toucher celles des marathoniens. D’autres distribuent de l’eau, des sucreries, des serviettes en papier et s’époumonent à crier les noms inscrits sur les t-shirts.

Le marathon est une occasion unique de voir le meilleur de New York et des New Yorkais. Les coureurs costumés se taillent un franc succès. J’ai croisé entre autres deux Superman, un Batman, un Français portant béret et baguette et une banane géante. Le plus original, ce sont les pancartes brandies dans la foule : « Perfect stranger, you make me proud ! » ou encore « You’re running better than Congress ». Avant le départ, un participant français me confiait son ravissement de voir que les Américains apprécient vraiment l’effort que requiert un marathon et considèrent les coureurs « comme des héros ». Il y a du vrai.

Un marathon convalescent

C’est le premier marathon depuis l’ouragan Sandy et pour beaucoup de New Yorkais, le dernier symbole qui manquait pour tourner la page. New York avait besoin de la positivité et du sentiment de communauté que la course apporte dans les cinq boroughs de la ville. Le marathon, lui, est encore convalescent.

L’épreuve a souffert de l’annulation de dernière minute de l’an dernier. Des dizaines de milliers de coureurs ont préféré ne pas revenir. Plus de 3 000 tickets d’entrée pour des œuvres de charité n’ont pas trouvé preneur. En raison des reports de l’an dernier, ce marathon 2013 a tout de même battu un record de participation : 50 740 coureurs.

Un détour par le Queens et de fabuleux orchestres et nous voilà sur Queensboro bridge, direction Manhattan et la légendaire remontée de la 1ère Avenue : une longue ligne droite jusqu’à la pointe de l’île. Le public est plus nombreux, mais finalement moins démonstratif que celui de Brooklyn ou du Queens. Surtout, les corps sont fatigués, courbés.

Beaucoup de coureurs ralentissent ou commencent à marcher. C’est le fameux mur des 30 kilomètres redouté de tous les marathoniens. Batman est arrêté sur le côté, visiblement en proie à une crampe. Encore un crochet par le Bronx et c’est la descente finale sur la 5e Avenue vers l’arrivée à Central Park. Le nombre des spectateurs est vraiment impressionnant, mais les derniers kilomètres sont interminables. Les longues heures d’entraînement portent leur fruit.

J’ai gardé une vitesse constante depuis le départ. Je peux me payer le luxe de sprinter vers la ligne d’arrivée. Ce ne sera pas suffisant pour descendre sous la barre des 3 h 50. Temps final : 3 h 50 et 23 secondes. Le plus rapide, Geoffrey Mutai (Kenya), en a terminé en 2 h 08 et 24 secondes. Il empoche 500 000 dollars. Parmi les seniors, Fred Lockenmeyer, 81 ans, lui, a franchi la ligne d’arrivée en un peu plus de 9 h, bien après que les rues ont été rouvertes à la circulation. Il a dû terminer sur les trottoirs. J’aurais vraiment voulu être là pour l’encourager et lui dire mon admiration.

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