Sans attendre de nouvelles révélations, les autorités françaises ont réagi à la publication de l'article du quotidien Le Monde dès ce lundi. Elles l'ont fait, en apparence en tous cas, avec une très grande fermeté. A l'instar du président de la République lui-même.
Lors d'une conversation téléphonique avec son homologue américain, François Hollande dit lui avoir fait par tde sa « profonde réprobation » face aux « pratiques inacceptables » de la National Security Agency au détriment de la vie privée des Français. Selon un communiqué de la présidence française, les deux alliés auraient convenu par téléphone que « les opérations de collecte de renseignement devaient être encadrées, notamment dans un cadre bilatéral ».
Plus tôt dans la journée, l'ambassadeur des Etats-Unis à Paris, Charles Rivkin, avait été convoqué par le ministère français des Affaires étrangères. D'une façon des plus officielles, avec des réactions pesées du ministre de l'Intérieur, du chef de la diplomatie et du Premier ministre, la France a donc fait part aux Etats-Unis, toute la journée, de son mécontentement.
⇒ À (RE)LIRE : Les grandes oreilles de la NSA ont largement espionné les Français
Avec ces réactions « à chaud », la France fait mine de hausser le ton vis-à-vis de Washington. Mais il y a une bonne part d’hypocrisie et de mise en scène dans l’attitude de Paris. En effet, les révélations du Monde ne surprennent que par l’ampleur du système de surveillance décidément mis en place partout par les Etats-Unis. Mais sur le fond, tout ceci était déjà connu depuis le mois de juin et les premières révélations du quotidien britannique The Guardian.
Il n’y avait aucune raison de penser que ce système épargnerait miraculeusement la France. Concrètement, et sauf coup de théâtre, les autorités françaises ne devraient donc guère aller plus loin que ces coups de menton diplomatiques.
Début juillet, à la suite des premières révélations de l'ancien consultant américain Edward Snowden, Paris avait réclamé un report des négociations commerciales qui devaient débuter entre l’Union européenne et les Etats-Unis. La France avait finalement renoncé, se contentant de la formation d’un groupe de travail. Et ces négociations ont débuté le 8 juillet dernier, à la date prévue initialement.
⇒ À (RE)LIRE : Pour Arnaud Danjean, « tous les pays alliés s'espionnent »
John Kerry, pour sa part, tombe à pic. Le secrétaire d'Etat américain est arrivé ce lundi en France, où il a rencontré ce lundi les représentants de la Ligue arabe. Il débute en fait une tournée en Europe, consacrée à la Syrie. Mais Laurent Fabius a d'ores et déjà annoncé que l'affaire d'espionnage serait également mise sur la table. Alors, dès son arrivée dans la capitale, ce lundi, le chef de la diplomatie américaine a tenté d'apaiser la tempête.
Arrivant tout sourire, avec une décontraction ostentatoire, le secrétaire d'Etat américain s'est d'abord livré à une séance de football américain : quelques passes échangées en bras de chemise dans le jardin de l'ambassade des Etats-Unis. De quoi étonner la foule des journalistes français venus écouter sa réaction après les nouvelles révélations sur l'affaire d'espionnage américain en France.
Puis il a répondu aux sollicitations nombreuses. « La France, a-t-il dit, est l'un de nos plus anciens alliés. Notre collaboration va de dossiers comme celui de la Syrie à la protection de nos citoyens. Et protéger la sécurité de nos citoyens dans le monde d'aujourd'hui est très compliqué. »
Paris demande des « explications » à Washington ? John Kerry, lui, préfère parler de « discussions ». « Nous aurons des discussions bilatérales, a-t-il déclaré, mais je ne vais pas entrer dans les détails. Par principe, nous ne communiquons pas sur les affaires de renseignement. »
Et de préciser l'angle de défense des Etats-Unis dans cette affaire : « Beaucoup de pays sont engagés dans des activités visant à protéger leurs citoyens dans le monde. Comme le disait le président Obama, nous, aux Etats-Unis, nous revoyons en ce moment notre manière de recueillir des informations. Notre but est toujours d'essayer de trouver le juste milieu entre la protection de la sécurité et de la vie privée de nos citoyens. »
Le message est clair : les Etats-Unis récupèrent à l'étranger des données comme le font tous les pays du monde, y compris la France.
■ LE MEXIQUE EST AUSSI EN COLÈRE
Avec notre correspondant à Mexico, Patrice Gouy
Au Mexique, les révélations du journal Der Spiegel, selon lesquelles les services secrets américains écoutaient aussi le cabinet de la présidence de la République, et violaient même les serveurs électroniques du président Felipe Calderón lui-même, passent mal.
Le gouvernement mexicain, qui s’applique à entretenir une meilleure relation bilatérale avec Washington, est même furieux. Il ne comprend pas comment un pays ami, 2e partenaire économique, peut se comporter comme un vulgaire pirate informatique.
Après les révélations, en septembre dernier, d’un probable espionnage d’Enrique Peña Nieto durant sa campagne électorale, il est consterné d’apprendre que les services secrets américains violaient jusqu'aux courriers électroniques du président Felipe Calderón.
Cette intrusion dans la vie privée de la présidence de la République irrite le gouvernement, car elle ne s’est sans doute jamais arrêtée. Le ministère des Relations extérieures a qualifié cette pratique d’inacceptable, d’illégitime et de contraire aux droit mexicain et au droit international.
Il a adressé une note diplomatique à Barack Obama pour exiger qu’une enquête soit ouverte dans les plus brefs délais. L’ambassadeur des Etats-Unis au Mexique a refusé de faire un commentaire, laissant au président Barack Obama le soin de répondre.
Cependant, des diplomates américains ont rappelé que les services secrets de leur gouvernement ont toujours récupéré par tous les moyens, et dans tous les pays, des informations, même les plus sensibles.