Son CV faisait de Larry Summers le candidat idéal. Ancien secrétaire au Trésor, principal conseiller économique de Barack Obama jusqu'en 2009, il a surtout été le grand inspirateur du plan de sauvetage mis en place en 2008 pour sortir de l'eau les banques et l'industrie automobile. Mais l'économiste réputé a aussi un passif. Il a soutenu activement la dérèglementation financière des années 2000 : cela fait de lui l'apprenti sorcier qui a fait le lit de la crise. Impardonnable pour le Sénat américain devant lequel il devait être auditionné. Enfin Larry Summers est connu pour son caractère direct et cassant, un défaut majeur pour exercer un poste où le compromis est la règle, où le dosage des actes et des mots est au moins aussi important que celui des taux d'intérêt. Bref un poste où l'on n'a pas droit à la faute.
Les patrons de Banque centrale, nouveaux héros
Avec la crise de 2008, le gouverneur de la banque centrale est devenu un acteur de l'économie très exposé, une sorte de nouveau héros. C'est le grand manitou qui, avec le levier monétaire, est capable de guérir ou d'achever une économie malade. Le Royaume-Uni est allé au Canada pour trouver son homme et a mis le paquet pour recruter le nouveau patron de la Banque d'Angleterre. Mark Carney, glorifié pour avoir évité la contamination à son pays est aujourd'hui le gouverneur le mieux payé au monde. Il gagne cinq fois plus d'argent que le patron de la Fed.
Ben Bernanke est pourtant lui aussi un grand guérisseur reconnu et apprécié. Il a su ramener la confiance sur les marchés en général et aux Etats-Unis en particulier avec l'injection de 85 milliards de dollars par mois. L'assouplissement monétaire a bien irrigué l'économie réelle, ramenant la croissance aux Etats-Unis. Enfin, dans l'Europe divisée, si lente à agir pour aider les maillons faibles de la zone euro, Mario Draghi a surgi en Superman avec son seul verbe, puisqu'il ne dispose pas de moyens financiers. L'été dernier en affirmant que la BCE était prête à tout pour préserver l'euro, il a subjugué les marchés. Depuis plus personne n'envisage sérieusement l'éclatement de l'Union monétaire.
Des nouveaux héros aux têtes de turcs
Ben Bernanke, plebiscité aux Etats-Unis pour sa politique accommodante, est honni dans les pays émergents. Car son action a fait valser leurs devises. Elles ont été surréavaluées à cause de l'afflux de capitaux et les voilà qui plongent depuis que la fin de l'assouplissement monétaire est évoqué.
Autre lieu, autre complainte : au Japon comme dans la zone euro, l'action menée par les banques centrales pour doper l'investissement est stérile pour le moment. On prête à ces grands manitous des pouvoirs qu'ils n'ont pas. Sans l'adhésion des chefs d'entreprise, leur politique restera vaine, or, ceux là attendent d'autres signes pour croire en la reprise. L'action des gouvernants par exemple. Mais sous la pression des électeurs, le courage leur fait parfois défaut.
C'est sans doute pour éviter ce scénario, que le nouveau gouverneur de la Banque centrale indienne a trouvé un accord avec le ministère des Finances. Embauché pour mettre fin à la crise monétaire, Raghuram Rajan, prestigieux économiste et homme avisé a obtenu les coudées franches pour s'occuper uniquement de la roupie et de l'inflation, sans se soucier de la croissance.
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