Aller au restaurant ou encore boire une bière entre copains est devenu un luxe, même pour ceux appartenant aux catégories plus aisées de la population. C'est pourquoi un groupe d'amis paulistanos a décidé de s'insurger contre les restaurateurs et les établissements pratiquant des prix abusifs en créant le site Boicota São Paulo. L'idée est que les internautes racontent leurs expériences dans certains établissements de la ville et proposent une liste de restaurants, brasseries, bistros et pubs ayant un mauvais rapport qualité/prix. Les endroits, géolocalisés, peuvent ensuite être repérés sur une carte. Le site propose aussi un « ranking d'arnaque » de 5 niveaux.
Les restaurateurs s'agacent
Parmi les prix les plus excessifs, on retrouve une petite salade verte, servie dans une brasserie d’un quartier populaire, au prix de 10 euros. « Moi et les autres créateurs du site, Camila Kintzel, Ricardo Giassetti et Marcos Takabayashi, on a toujours eu l’habitude de sortir boire quelques bières. Avant on dépensait chacun 40 réals, l'équivalent de 12 euros. Un an après, on paie le double pour la même bière, au même endroit », raconte Danilo Corci, l'un des fondateurs du site. « Pour l'instant, on veut plutôt à avertir les consommateurs des mauvais plans, les bons plans seront pour une prochaine étape », explique-t-il.
Inspiré de Foursquare, le site cumule, un an après son lancement, 150 000 visites par jour. Sa page Facebook, quant à elle, compte plus de 48000 fans. Ils y publient des photos et des descriptions des plats, des commentaires, des adresses... et pointent du doigt la mauvaise foi de quelques établissements. L'un des clients, par exemple, raconte avoir vu dans un restaurant un serveur déballer un plat congelé, le réchauffer et le servir ensuite, comme si de rien n'était. Des situations exposées au public qui, bien évidemment, agacent les restaurateurs même s'ils ont un droit de réponse sur le site.
Une hausse des prix abusive
La hausse de prix constatée par les Brésiliens ne s'explique pas par les statistiques. Selon des chiffres publiés par le Dieese, organisme similaire à l’Insee, l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'augmentation du coût de la vie à São Paulo a été seulement de 0,31% au mois d'avril, bien loin des hausses pratiquées par les restaurants. Alors comment expliquer ces prix abusifs ? « On remarque que comme les gens, d'une façon générale, ont plus d'argent, les restaurants testent les consommateurs pour estimer le montant qu'ils sont prêts à payer. Cela explique quelques aberrations, comme une boulangerie qui vend une bouteille de Coca au prix de 18,90 réals (plus de six euros) », explique le créateur du site.
Cette constatation de M. Corci n'est pas anodine : lors d'un débat avec le chef d'entreprise français Olivier Anquier, installé au Brésil depuis plusieurs années, ce dernier a justifié sans complexe les prix sidérants pratiqués par quelques établissements. Selon lui, si le client est prêt à payer environ 70 euros pour un œuf (le restaurant est bondé), « personne n'a le droit de se plaindre ».
São Paulo plus cher que Paris
D'autres facteurs contribuent à l’augmentation des prix. Parmi eux, les fruits et les légumes, qui ont connu une hausse de 33% entre mars 2012 et mars 2013. Le prix du kilo de tomate a grimpé à lui seul d’environ 150% en douze mois. Au Brésil, la tomate est même devenue le symbole de cette augmentation du coût de la vie. Sur les réseaux sociaux, le sujet s'est viralisé. Les internautes se sont même amusés à publier des photos drôles, comme celle où un père promet de garder des tomates à la banque pour payer la future école de son enfant. Une plaisanterie à la brésilienne qui cache, en réalité, la peur sous-jacente d'un retour du fantôme de l'inflation, qui a longtemps hanté les Brésiliens dans les années 1980.
Plusieurs internautes, qui participent au site Boicota São Paulo, ont aussi remarqué que les prix à São Paulo sont plus élevés que dans certaines capitales européennes, comme Paris. Sur la page Facebook du site, ils comparent souvent les prix des restaurants à l'étranger. C'est la raison pour laquelle, disent-ils, manger dans un restaurant de haut niveau au Brésil revient beaucoup plus cher à Sao Paulo qu'à Paris, si l'on prend en compte le pouvoir d'achat de la population. A titre d'exemple, un menu au restaurant Dom, du très réputé chef brésilien Alex Atala, coûte la « bagatelle » de 400 réals (environ 140 euros) sachant que le SMIC au Brésil est de 678 réals, soit environ 350 euros.
Quelques restaurateurs revoient leurs prix
Selon le créateur du site, les réclamations ont porté leurs fruits : une poignée des restaurants ont enlevé quelques-uns des plats de leurs cartes, mais il va falloir du temps pour avoir des résultats plus durables. « C'est un travail de longue haleine, et cela va marcher seulement si les gens décident vraiment de boycotter un établissement », estime M. Corci. En attendant, le groupe d'amis espère lancer sous peu une version du site pour la ville de Rio de Janeiro.