Télé-réalité et immigration canadienne

Au Canada, les défenseurs des droits de la personne s'inquiètent d'une émission de télé-réalité, Canada's Front Line, qui met en vedette des agents d'immigration canadiens. Le but, mettre en valeur le travail des douaniers et d'agents frontaliers en filmant leur quotidien. Sauf que l'émission ne fait pas forcément l'affaire des gens arrêtés.

Imaginez la scène : le 13 mars dernier, six agents d’immigration débarquent en force sur un chantier à Vancouver. Ils soupçonnent certains des ouvriers du bâtiment d’être des immigrants clandestins. Jusque-là, ce débarquement imprévu n’a rien de sensationnel. Sauf, qu’avec eux, les agents canadiens amènent aussi un preneur de son et un caméraman, deux employés d’une entreprise de production.

Ils ne perdent pas une miette de l’action menée de façon énergique par les agents d’immigration. Jusqu’à filmer la découverte d’un travailleur clandestin dans un placard. Effrayé, l’homme se retrouve avec une caméra sous le nez, juste à côté des agents d’immigration qui lui réclament ces papiers. Il s’agit de l’émission Canada’s Front Line, diffusée notamment sur la chaîne du National Geographic. Une émission dont le montage final est approuvé par l’Agence des services frontaliers du Canada, autrement dit les douanes canadiennes. Certains militants des droits de la personne ont même découvert que le ministre de l’Intérieur lui même avait signé une entente avec les producteurs de l’émission.

Une émission à laquelle collabore le gouvernement

Selon le ministre responsable, la contrebande et les immigrants illégaux coûtent des dizaines de millions de dollars aux contribuables. Sans compter que les travailleurs clandestins priveraient les électeurs de milliers d’emplois. Voilà pourquoi il est intéressant, aux yeux du ministre, de mettre en valeur le travail des douaniers, que ce soit en les voyant en action pour arrêter des immigrants illégaux, pour intercepter des trafiquants de drogue, ou d’assister à une enquête à l’aéroport.

Des images de propagande pour l'opposition

En théorie, toutes les personnes filmées par l’équipe de tournage accompagnant les agents d’immigration doivent autoriser la diffusion de leur image. Dans les faits, les gens qui se retrouvent au milieu d’une arrestation et qui se font brandir un papier d’autorisation sous le nez se sentent plutôt perdus. Certains signent le papier sans même le lire, pensant qu’il s’agit d’autres agents d’immigration. Un immigrant clandestin mexicain renvoyé cette semaine dans son pays d’origine a d’ailleurs porté plainte pour la façon dont il a été traité par les agents d’immigration. Il refuse de devenir l’image officielle de l’immigration clandestine dans une émission de télévision. Pour les partis d’opposition, ces images constituent une véritable propagande en faveur de la politique gouvernementale sur la sécurité des frontières. Un spectacle indécent qui ne se soucie pas des drames familiaux vécus par les immigrants, selon la représentante du Nouveau Parti démocratique.

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