Projet Alma: un observatoire géant sur le toit du monde

Ce mercredi 13 mars, le plus grand observatoire du monde, le télescope Alma (Atacama Large Millimeter Array), est inauguré sur le plateau d’Atacama, dans l’un des déserts les plus secs du monde, au nord du Chili. La construction a débuté en 2003 et sera enfin achevée en septembre 2013.

Alma est un projet pharaonique qui aura coûté plus d’un milliard de dollars, un financement divisé en trois tiers environ entre l’Union européenne, les Etats-Unis et le Japon.

Voir au-delà de la lumière

Avec les yeux, nous voyons seulement une petite partie des ondes, qu’on appelle « électromagnétiques ». Autrement dit, le spectre lumineux, avec ses couleurs qui vont du violet d’un coté, au rouge de l’autre.

Mais Alma est un radiotélescope qui observe, avec des antennes, les longueurs d’ondes de l’ordre du millimètre, entre le rayonnement infrarouge, c'est-à-dire la chaleur (comme les ondes émises par le corps humain), et les ondes radio, qui transportent le son.

Et justement, les objets les plus froids de l’univers rayonnent sur ces longueurs d’ondes. C'est-à-dire que là où nous ne voyons rien, comme par exemple dans l’espace entre les étoiles, Alma a la capacité unique au monde de voir.

Des antennes pour observer l’espace

Pour observer les ondes radio et obtenir des images de la même résolution que des images optiques, il faudrait des télescopes immenses de l’ordre de 1 à 10 kilomètres de diamètre, ce qui est impossible.

Alma n’est donc pas un télescope ordinaire, il utilise des techniques de traitement du signal dites d’ « interférométrie » : il est constitué de 66 antennes de 12 mètres de diamètre, en forme de paraboles. Chaque antenne est un petit télescope qui, ajouté aux autres, forme un immense télescope de 16 km de diamètre.

A télescope exceptionnel, situation exceptionnelle

Alma est situé dans l’un des endroits les plus secs au monde, à 5 000 mètres d’altitude, dans le désert d’Atacama, sur un vaste plateau tout contre la Cordillère des Andes, au nord du Chili.

Dans ce désert, l’air est pur, sans vapeur d’eau qui pourrait gêner ses observations. Alma n’est pas le premier observatoire à s’y être installé, car cet air sec, conjugué à une très faible pollution lumineuse, avait déjà entraîné l’installation de six autres observatoires astronomiques. Et c’est également là que se sont déroulés les essais du robot martien de la Nasa, Curiosity.

Travailler avec Alma

Pour Denis Barkats, astronome français au laboratoire d’Alma au Chili - qui a participé à l’installation -, même quand tout sera installé, « il faudra continuer à résoudre les problèmes, parce qu’avec un observatoire aussi complexe, n’importe quel problème qui peut arriver arrivera à coup sûr ! »

Pour pouvoir travailler avec Alma, les astronomes envoient leurs projets à un comité de sélection. Les projets acceptés – 10% environ – se voient attribuer des créneaux horaires et des temps d’observation – moins de 10 heures en général.

Ensuite, les astronomes demandeurs, qui sont dans des laboratoires du monde entier, envoient des fichiers par réseau au laboratoire chilien, situé à une quarantaine de kilomètres des télescopes, à 3 000 mètres d’altitude. Puis les astronomes du laboratoire d’Alma organisent l’observation, récupèrent ensuite les données, les traitent et les transmettent en retour aux laboratoires demandeurs.

Voir naître l’univers

Alma permet d’observer très loin et donc de remonter le temps. Avec ce télescope, les astronomes et les astrophysiciens qui s’intéressent aux origines de l’univers devraient trouver des éléments de réponse, car « sa sensibilité lui permet de détecter les premières galaxies formées lorsque l’univers n’était qu’un enfant », nous dit Jérôme Péty, astronome à l’IRAM, l’Institut de radioastronomie millimétrique.

Françoise Combes, astronome à l’Observatoire de Paris (et dont plusieurs projets de recherche sur Alma ont été acceptés), observe les gaz qui entourent les galaxies juste après le Big Bang, pour comprendre comment se forment les étoiles et les trous noirs dans le noyau de ces galaxies.

Et en observant avec Alma les matières cachées dans les comètes, les astronomes cherchent aussi les traces de la naissance de la vie. Ils aimeraient bien y découvrir des acides aminés, qui ne sont rien moins que les « briques de la vie ».


• POUR APPROFONDIR : le site de l’Observatoire européen austral

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