Felix Baumgartner est une sorte d’extraterrestre. C’est peut-être d’ailleurs pour cela qu’il a réalisé son exploit depuis Roswell. C’est là, dans cette région du sud-est du Nouveau-Mexique, aux Etats-Unis, qu’un ovni se serait écrasé en 1947. Cette fois, l’objet tombé du ciel est clairement identifié : il s’agit d’un Autrichien de 43 ans, ancien parachutiste dans l’armée autrichienne et spécialiste du base jump, un sport qui consiste à sauter en parachute depuis des bâtiments. Et contrairement à la mystérieuse « soucoupe volante » d’il y a 55 ans, c’est en toute délicatesse qu’il s’est posé, après un saut de neuf minutes depuis la stratosphère.
Il est 17h30 heure de Paris (15h30 TU) lorsque Felix Baumgartner commence une ascension d’un peu plus de deux heures et demie à bord d’une capsule attachée à un énorme ballon gonflé à l’hélium, plus haut que la Tour Eiffel. Celui-ci doit l’emmener aux confins de l’atmosphère, à 39 kilomètres au-dessus du sol, soit près de quatre fois l’altitude moyenne d’un avion de ligne. De là, équipé d’un scaphandre pressurisé sur le modèle de ceux qui habillent les cosmonautes, l’aventurier autrichien doit se jeter dans le vide. Son but : battre le record de 31 333 mètres établi le 16 août 1960 par le colonel de l’US Air Force Joe Kittinger. Des caméras placées à l’intérieur et à l’extérieur de la capsule, ainsi que sur sa combinaison permettent de suivre la prouesse en direct sur Internet.
« Fearless Felix »
Le défi est risqué. A une telle hauteur, la moindre erreur est fatale. Le danger le plus important est un départ en vrille. « Durant ma chute libre, si je perds le contrôle, je peux me mettre à tournoyer comme un CD dans son lecteur. Et il faut savoir qu’à partir de 150 rotations par minute, tout votre sang monte à la tête. Et c’est la mort assurée. Je dispose dans ma combinaison d’un système qui me permet de juguler ce phénomène », a expliqué Felix Baumgartner à l'hebdomadaire Paris Match.
Mais l’homme est un casse-cou. Ses précédentes performances lui ont valu le surnom de « Fearless Felix », « Felix sans peur ». Il se fait remarquer la première fois en 1999 lorsqu’il se jette du haut des tours Petronas à Kuala Lumpur, en Malaisie. Il trompe la vigilance des agents de sécurité en se déguisant en homme d’affaires, sa voile cachée dans sa mallette. La même année, c’est la main de la statue du Christ rédempteur, à Rio de Janeiro, qui lui sert de tremplin. Le 27 juin 2004, il saute du viaduc de Millau et le 12 décembre 2007 du 91e étage du gratte-ciel Taipei 101 à Taïwan.
Le grand plongeon de ce dimanche 14 octobre a, lui, été soigneusement préparé. L’Autrichien s’est entraîné pendant cinq ans pour le réussir, entouré d’une équipe de 120 scientifiques – dont le précédent détenteur du record, Joe Kittinger. En juillet dernier, il a fait un exercice « grandeur nature » en s’élançant d’une altitude de 29 000 mètres jusqu’à atteindre une vitesse de 862 km/h.
Améliorer la sécurité des astronautes
Pour la mission Red Bull Stratos, organisatrice de l’exploit, le but n’est pas seulement de pulvériser des records, il est aussi de contribuer à la recherche médicale en matière aéronautique. « Nous allons créer un précédent pour l’aviation », a déclaré à l’AFP le professeur Jonathan Clark, responsable médical de la mission et ancien chirurgien des équipages de navettes spatiales américaines. En testant de nouveaux équipements et en développant des « procédures de survie à très haute altitude et dans des situations d’accélération extrême », comme l’explique encore Jonathan Clark, la mission doit permettre d’améliorer la sécurité des astronautes et d’éventuels futurs touristes de l’espace.
A 19h33, Felix Baumgartner bat un premier record, celui du plus haut vol en ballon effectué par un être humain. Il est alors à plus de 34 000 mètres d’altitude. Une demi-heure plus tard, la porte de la capsule s’ouvre. Felix Baumgartner se lève, puis s’élance la tête la première pour une chute libre de 4 mn. En quelques dizaines de secondes, il atteint la vitesse de 1 137 km/h et devient ainsi le premier homme à franchir le mur du son sans être à bord d’un aéronef. A ce moment là, Felix Baumgartner est aussi rapide qu’une balle de pistolet.
Encore trois minutes et l’Autrichien ouvre son parachute. Sur la base de Roswell, sa famille suit avec émotion son exploit. Sur YouTube, ils sont plus de 7 millions d’internautes. Après avoir atterri en douceur, Felix Baumgartner s’agenouille et lève les bras au ciel, les poings serrés. Il a réussi.