Par Camila Campusano
Une élection à deux affiches dominantes. Six candidats se présentent à ce premier tour de l’élection présidentielle en République dominicaine pour succéder au libéral Leonel Fernandez. Ce sont toutefois deux candidats qui attirent tous les regards. Et pour cause, d’après les sondages, Hipolito Mejia, du Parti révolutionnaire dominicain (PRD) à tendance sociale-démocrate, et Danilo Medina, du parti au pouvoir, le Parti de la libération dominicaine (PLD), libéral, drainent l’essentiel des intentions de vote. Selon la grande majorité des sondages, Danilo Medina raflerait plus de 51% des voix et son principal concurrent, 45%. Les autres candidats ne dépasseraient pas les 3%. Le duel est donc annoncé. Il risque toutefois de tomber à l’eau. Il n’y aura pas de second tour si le candidat du parti au pouvoir obtient une majorité absolue. Danilo Medina pourrait alors remporter l’élection dès ce 20 mai.
Un duel déjà vu
Hipolito Mejia et Danilo Medina se sont déjà affrontés en 2000. Le candidat social-démocrate Mejia l’a emporté et a exercé le pouvoir pendant quatre ans. Cet ancien président est un ingénieur agronome de formation, âgé de 70 ans. Son leitmotiv : la lutte contre la pauvreté.
Danilo Medina représente les libéraux et est le successeur du pouvoir en place. Leonel Fernandez, le président sortant, ne peut pas se présenter pour un second mandat successif. C’est donc l’économiste de 59 ans qui prend la relève. Il utilise le bilan de l’ex-président Mejia comme argument fort. Entre 2000 et 2004, le pays a traversé la pire crise financière qu’il ait connu, provoquée par des fraudes fiscales.
Vers un modèle à la russe ?
La campagne électorale aura coûté particulièrement cher. 74% de ces dépenses viennent du parti au pouvoir, le PLD. Rien d’étonnant que les libéraux ait dès lors obtenu le plus d’espaces publicitaires. En plus, ils comptent dans leur rang le président sortant qui se sert des ressources de l’Etat pour participer à la campagne.
Leonel Fernandez, le président sortant, garde une forte influence dans cette campagne. La candidate à la vice-présidence de Danilo Medina n’est autre que Margarita Cedeño, l’épouse de Leonel Fernandez. Donc, en cas de victoire du candidat libéral, Leonel Fernandez pourra toujours intervenir via la vice-présidente. Une dynamique similaire à celle de la Russie pourrait alors s’implanter, avec une présidence alternée entre le numéro un et le numéro deux du parti.
Violences et fraudes
Cette campagne a été teintée de violences. Deux personnes sont mortes dans des affrontements entre les deux principaux camps. La population civile n’a pas été la seule à subir ces débordements. Le président sortant et son épouse, quant à eux, son sortis indemnes d’une attaque à coup de jets de bouteilles et de pierres.
Du côté des discours, les candidats n’y sont pas allés de main morte non plus. Ils n’ont pas lésiné sur les insultes, à tel point que le Tribunal électoral supérieur a dû exiger « un ton civilisé » dans les déclarations.
A ce climat déjà tendu s’ajoutent des suspicions de fraude. Des irrégularités le jour de l’élection inquiètent le candidat de l’Alliance pour la démocratie. De plus, des opposants au gouvernement auraient subi des intimidations. Ces accusations ont été portées auprès d’Amnesty international.
Ces turbulences dans la campagne ont quelques peu éludés les vrais enjeux de l’élection.
Pauvreté et trafic de drogue comme principaux enjeux
Maintenir le niveau de croissance comme principal défi. Le président sortant, Leonel Fernandez a réussi à générer une croissance de près de 4,5% selon le Fonds monétaire international. Une performance qu’il doit essentiellement à de grands travaux d’infrastructure et au nouveau métro. Le défi est de trouver un équilibre entre la croissance et la baisse des dépenses publiques considérées comme excessives. Les subventions au secteur de l’électricité représenteraient la principale cible des coupes budgétaires.
Les préoccupations de la population demeurent toutefois le chômage et la pauvreté. Même si le PIB du pays affiche un bon score, la répartition de la richesse ne peut pas en dire autant. Les chiffrent parlent d’eux-mêmes. Le chômage frôle les 14% et 75% des Dominicains gagnent moins de 200 euros par mois (10 000 pesos).
Face à un tel panorama, le libéral Danilo Medina promet 400 000 emplois et s’engage à sortir un 1,5 millions de personnes de la pauvreté. Tout comme son principal adversaire, il envisage de subventionner certains aliments et le gaz. Cela ne le protège pas des attaques de Hipolito Mejia. Le social-démocrate met en avant les inégalités pour discréditer son adversaire.
Coté sécurité, c’est le trafic de drogue qui fait mal. La République Dominicaine est une plaque tournante pour la drogue vers les Etats-Unis et l’Europe. Au niveau local, les cartels commencent à bien s’implanter. De quoi donner du fil à retordre aux autorités du pays. C’est un défi commun avec Haïti, tout comme l’immigration. Les deux parties de l’île pourraient donc rétablir la commission mixte pour coordonner leurs politiques dans ces domaines.
Amnesty lance un appel
Amnesty International profite de cette élection pour demander aux candidats de se pencher sur les atteintes aux droits de l’Homme. Les policiers, eux-mêmes, sont dans la ligne de mire. Des homicides et des cas de tortures par les forces de l’ordre sont dénoncés.
Les principales victimes de violences dans la société demeurent les plus vulnérables. Les femmes et les filles subissent des abus souvent impunis. Les immigrés sont maltraités et expulsés de force.
Le jour J
Ce dimanche, les bureaux de vote ouvrent dès 6 h du matin. 6,5 millions électeurs sont convoqués. Pour la première fois, les Dominicains expatriés peuvent voter. Ils désigneront les sept députés qui représenteront les Dominicains à l’étranger.
Près de 6 000 observateurs locaux et étrangers sont attendus. Parmi eux, l’Organisation des Etats américains. Le chef de la mission de l’OEA, Tabaré Vasquez, appelle à une élection dans des conditions pacifiques.