Ces «99%» d’Américains qui veulent «occuper Wall Street»

Né le 17 septembre 2011, le mouvement « Occupy Wall Street » rassemble, à l’instar des Indignés espagnols, quelques centaines d’Américains qui ont décidé de camper près de la bourse de New York pour protester contre les effets de la crise. Si rien ne les relie réellement, hormis une opposition commune au système ultralibéral, ils tentent de faire des émules dans le pays et jusqu’en Europe. La manifestation du 1er octobre 2011, qui a entraîné des centaines d’arrestations, leur a donné une certaine visibilité. Mais aucune garantie sur la pérennité de leur mouvement.

Ils sont « forcé de choisir entre l’épicerie et le loyer » , sont « éjectés de leur maison », ils « souffrent de pollution », travaillent « de longues heures pour de petits salaires ». Eux, ce sont les « 99% », ceux qui « n’ont rien pendant que l’autre 1% obtient tout ».

Ce sont les Américains, qui depuis le 17 septembre 2011, ont lancé le mouvement « Occupy Wall Street » (Occuper Wall Street) et ont décidé de camper à Zuccoti Park, à quelques mètres du siège de la bourse de New York. Ils dénoncent tour à tour le renflouement des banques par l’Etat, le taux de chômage de 8% et les saisies immobilières : en somme, les conséquences de trois années de crise économique et financière qu’ils estiment subir, pendant que les vrais responsables sont épargnés.

Le mouvement se définit avant tout par son opposition à un ennemi commun. A priori, rien ne les rassemble (« nous sommes une résistance sans leader, avec des gens de couleurs, de genres et d’opinions politiques différents »). Mais, ils disent avoir en commun d’être les « 99% qui ne toléreront plus l’avidité et la corruption du 1% ». Ils sont révoltés par les inégalités aux Etats-Unis, où 1% de la population détient 40% des richesses et où un citoyen sur sept vit sous le seuil de pauvreté.

Air du temps

« Occupy » s’inscrit dans l’air du temps : les dénonciations, la symbolique (le peuple debout contre les géant de la finance et de la politique) et les méthodes (sit-ins, campements, protestations permanentes et pacifiques) rappellent celles des Indignés espagnols de la Puerta del sol, où les manifestants anti-G8, qui ont fait quelques émules en Europe. Ils ne sont pas non plus si éloignés des révolutions du printemps arabe, les « 99%» revendiquant « la démocratie » à la place du « capitalisme ».

Le mouvement n’a d’abord pas été pris très au sérieux, jusqu’au premier week-end d’octobre, où 700 personnes ont été arrêtées lors d’une manifestation, laquelle a engendré, selon les témoins, des scènes de chaos.

De quoi se faire vraiment remarquer, d’autant que les soutiens de personnalités se multiplient : le réalisateur Michael Moore, le producteur de hip-hop Russell Simmons, les acteurs Susan Sarandon et Alec Baldwin, ont fait part de leur sympathie envers le mouvement. Celui-ci s’étend désormais à d’autres villes : Occupy Boston, Occupy Denver, Occupy Los Angeles… ont fleuri ; la vague veut aussi toucher le Canada, et elle commence à faire quelques émules en Europe.

Les Etats-Unis ne sont traditionnellement pas un pays de mouvement sociaux. Reste que nombre d’observateurs s’étonnaient de ne voir naître aucune réaction à la crise, qui a commencé outre-Atlantique et touche de plein fouet le pays. Les premières analyses sur le mouvement Occupy restent pour le moins partagées. Sur le site du Daily Beast, l’éditorialiste John Avlon regrette ainsi que le mouvement mette en avant des slogans « qui capturent les émotions mais sont trop souvent dénués de solutions ». Pour lui, Occupy est, au final, un mouvement idéaliste sans solidité idéologique. « Remplacer le capitalisme par la démocratie sonne très bien, mais ne fait aucun sens, l’un étant un système économique, l’autre système politique », souligne-t-il.

Sur le site Infowars, Paul Joseph Watson dénonce lui les contradictions du mouvement : qui veut mettre en place une taxe sur les plus hauts revenus, mais cette « taxe est défendue par Wall Street elle-même », puisque le millionnaire américain Warren Buffet s’y est déclaré favorable. « Comment des Occupy Wall Street peuvent-ils appeler à voter Obama en 2012, alors que sa campagne de 2008 a été financée par Wall Street et que celle de 2012 en dépendra encore plus ? », s’interroge-t-il également. Il se base pour cela sur une vidéo tournée auprès des « occupants ».

Oligarchie financière

Un scepticisme parfois un peu facile, et qui n’est pas partagé par tous les observateurs. Sur le Huffington Post, Sheldon Finger, PDG de Global Economic Crisis, rappelle pour sa part que l’arrestation de 700 manifestants samedi 1er octobre « n’arrive pas tous les jours aux Etats-Unis », et que « le fait que tant de personnes issues des classes moyennes et de jeunes soient dans les rues pour protester contre l’oligarchie financière américaine (…) est une manifestation concrète que la génération émergente d’Américains n’a plus confiance dans les hommes politiques de son pays ». De son côté, le patron de la fondation Democracy Fund, Josh Silver, parle d’un des phénomènes « les plus à même de transformer les mouvements politiques américains ». 

Au-delà des analyses précoces, le mouvement Occupy commence à faire réagir l’Amérique et se satisfait déjà de cet effet. Sur le réseau social Twitter, le 3 octobre, des appels, provenant essentiellement du mouvement Tea Party, l’aile ultraconservatrice et ultralibérale des Républicains, invitait à créer un contre-mouvement sous le nom de «Liberate Wall Street ».

Reste à voir, si, contrairement aux Indignés espagnols, Occupy Wall Street peut sérieusement prendre racine à Zuccati Park et si l’hiver n'aura pas raison de lui. Il est en tous cas la dernière manifestation d’un malaise croissant face à une crise qui semble, elle, ne jamais vouloir finir de rebondir, de mauvaises nouvelles en annonces austères.
 

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