Le 2 mai 2011, Oussama ben Laden était abattu par un commando des Navy Seal américains, lors d’une spectaculaire opération baptisée Geronimo menée à Abottabad, au Pakistan. Tout dans cette mission du corps d’élite des opérations spéciales américaines faisait penser à un scénario. C’est ce qu’a dû se dire la réalisatrice, Kathryn Bigelow, auteure oscarisée en 2010 de Démineurs (The Hurt Locker) qui brosse le portrait d’un démineur américain pendant la guerre en Irak. Pourtant, ce qui n’est encore qu’un projet de film sur la traque et l’élimination du chef d’al-Qaïda, est aujourd’hui devenu l’objet d’une polémique au sommet de l’Etat américain.
Secret-défense à Hollywood
L’élu républicain, Peter King, président de la commission de la Chambre sur la sécurité intérieure clame haut et fort sa crainte de voir révéler dans la fiction de Kathryn Bigelow des secrets qui pourraient mettre en péril la sécurité du pays. La réalisatrice et son scénariste Mark Boal ont en effet rencontré pour les besoins du scénario des hauts responsables du ministère de la Défense. Or Peter King redoute qu’à cette occasion, ils aient eu accès à des éléments classés secret-défense.
« Ridicule » a répondu Jay Carney, le porte-parole de la Maison Blanche, à Peter King. « Nous ne parlons pas d’informations classifiées et j'aurais espéré, alors que nous continuons de faire face à la menace terroriste, que la commission de la Sécurité intérieure à la Chambre avait des sujets plus importants à gérer que de discuter d'un film », a déclaré Jay Carney. « Les informations les plus détaillées que nous avons dévoilées (...) sur ce raid ont été délivrées depuis ce podium », a-t-il affirmé dans la salle de presse de la Maison Blanche devant les journalistes.
La « collaboration » entre Hollywood et le Pentagone n’est pas une nouveauté a expliqué Phil Strub qui s’occupe justement de ce secteur au ministère de la Défense. Plusieurs films ont ainsi bénéficié des conseils techniques de l’armée américaine, de prêts de matériel militaire ou même de bases comme la saga des Transformers, Iron Man 2 ou encore La Somme de toutes les peurs…
Seulement voilà, l’élimination de ben Laden ne relate pas de simples aventures si extraordinaires soient-elles, de combattants. La traque de celui qui fut l’« ennemi public numéro un aux Etats-Unis », a tenu en échec George W. Bush pendant près d’une décennie. Le succès de l’opération du 2 mai 2011 est tout entière imputée au crédit de Barack Obama, justement lui à qui on reprochait son manque d’expérience et sa mollesse en matière de sécurité intérieure. Pour les républicains, la potion est amère…
Une histoire de calendrier
La sortie du film de Kathryn Bagelow, prévue en octobre 2012, tombe particulièrement mal pour les adversaires d’Obama, à un mois de la présidentielle. Ils redoutent que cela ne fasse remonter la cote du président candidat dont le renouvellement du mandat est encore loin d’être une certitude. Peter King ne s’y est pas trompé qui veut voir dans le futur opus de Kathryn Bagelow, une opération de communication de la Maison Blanche.
Le président de la commission de la Chambre sur la sécurité intérieure a donc mis les grands moyens en branle pour tenter de faire obstacle à la réalisation du projet. S’interrogeant sur la mise en péril du travail des forces spéciales suite à la divulgation de pièces secrètes, Peter King a donc demandé une enquête et une présentation des éléments classifiés aux inspecteurs généraux du ministère de la Défense et de la CIA.
Devant ces accusations de promotion en faveur d’Obama, les auteurs du film ont même publié un communiqué dans lequel ils précisent travailler sur ce projet depuis plusieurs années. Notre histoire couvre une période qui court « sur trois présidences, celle de Bill Clinton, de George W. Bush et enfin de Barack Obama. La traque a été menée par des hommes des services militaires et du renseignement, pour le bien commun sans aucune arrière-pensée d’appartenance politique. Rien ne permet de penser que notre film veuille montrer autre chose qu’un triomphe des Etats-Unis » ont estimé devoir précisé Kathryn Bagelow et le scénariste Mark Boal.