Le Pérou élit son président

Près de 20 millions de Péruviens désignent, ce dimanche 10 avril 2011, leur nouveau président. Pour remporter ce premier tour du scrutin, un nom semble se détacher nettement des autres candidats : Ollanta Humala, un ex-militaire de gauche, est désormais donné favori par les sondages. Trois autres candidats se disputent, dans un mouchoir de poche, leur passage au deuxième tour. Onze ans après sa transition démocratique, le Pérou se prépare à une présidentielle à l’issue pour le moins incertaine.

Il y a encore trois mois, personne n’aurait parié sur la candidature d’Ollanta Humala, toutes les enquêtes d’opinion le donnant largement vaincu. Ceux qui, au mois de janvier, avaient le vent en poupe dans les sondages étaient l’ancien président péruvien, Alejandro Toledo (2001-2006), suivi de Luis Castaneda, son plus proche rival et ancien maire de la ville de Lima, et Keiko Fujimori, fille de l’ancien dictateur Alberto Fujimori, actuellement emprisonné. Mais en quelques semaines seulement le vent électoral a tourné au Pérou et souffle maintenant en faveur d’Ollanta Humala.

Ollanta Humala : un « Chavez péruvien » ?

Cet ancien lieutenant-colonel de 47 ans brigue la présidence sous la bannière de Gana Peru (Le Pérou gagne). La coalition réunit le Parti nationaliste péruvien (dont Humala est le fondateur), et d’autres partis de gauche, dont le Parti communiste, le Parti socialiste et le Parti socialiste révolutionnaire. De nombreux analystes le disent très proche personnellement et idéologiquement du président vénézuélien et ténor de la gauche radicale latino-américaine, Hugo Chavez, dont il fut le poulain en 2006.

Mais lors de ces dernières semaines de campagne, Ollanta Humala a pris soin de ne pas effrayer l’électorat péruvien. Le candidat de gauche n’a cessé de souligner son attachement aux « équilibres économiques », au « consensus démocratique », à la liberté de la presse ou au principe de non-réélection du chef de l’Etat. Le candidat de Gana Peru a troqué son tee-shirt rouge (couleur de la révolution bolivarienne initiée par Hugo Chavez) pour un blanc, voire pour un costume lorsqu’il s’adresse aux investisseurs et répète à qui veut l’entendre qu’il n’est « pas comme Hugo Chavez » et que « le modèle appliqué au Venezuela n’est pas applicable au Pérou ».

Ses concurrents dans la course à la présidentielle ont beau mettre en garde contre « les véritables intentions politiques d’Ollanta Humala », en le qualifiant même de « loup déguisé en agneau », cela n’a pour l’instant pas ébranlé l’ascension imperturbable du candidat de gauche. Lors d’une course poursuite effrénée dans les sondages, il a réussi à rattraper son retard et même à dépasser ses concurrents. Une possible explication pourrait être le fait que parmi l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle, Ollanta Humala est le seul candidat de gauche et que plus globalement la gauche est absente du pouvoir national depuis 1990 au Pérou. Le choix de nombreux Péruviens pourrait alors se porter sur lui comme seul garant d’une véritable alternance politique.

Une majorité de Péruviens portera-t-elle Ollanta Humala jusqu’au palais présidentiel ? Rien n’est moins sûr. En 2006 déjà, Ollanta Humala avait créé la surprise en remportant le premier tour de la présidentielle, avant d’être finalement battu par Alan Garcia au second tour. Le soutien ouvert d’Hugo Chavez lui a finalement coûté la victoire. Cette année encore, la classe moyenne péruvienne pourrait trouver Ollanta Humala trop à gauche à son goût et lui préférer lors du second tour un adversaire plus consensuel.

Décalage entre situation économique du pays et quotidien des Péruviens

Qu’il s’agisse d’Ollanta Humala, du centriste et ancien président Alejandro Toledo, de Keiko Fujimori, candidate de droite et fille de l’ancien dictateur Alberto Fujimori ou encore de Pedro Pablo Kuszynski, l’ancien Premier ministre libéral, tous les prétendants au poste du président péruvien doivent composer avec un héritage en demi-teinte.
Alan Garcia laisse en effet à son successeur un Pérou qui compte l’une des plus fortes croissances au monde (8,78% en 2010) mais qui souffre en même temps d’inégalités criantes, notamment en matière d’infrastructures, d’éducation et de salaires. Avec une pauvreté à 34%, une pauvreté extrême à 11,5%, les candidats ont redoublé de promesses pour réduire ou éradiquer ces poches, devenus l’enjeu majeur de ce scrutin.

Ce dimanche, les bureaux de vote ouvriront de 8h00 à 16h00 (heure locale). Les premiers résultats fiables ne sont pas attendus avant une dizaine de jours. Le second tour aura lieu le 5 juin prochain.

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