Pour la plupart des exilés cubains, Luis Posada Carriles est le héros de la lutte contre le régime de Fidel Castro. A 82 ans, il reste aux yeux des opposants au castrisme un fervent patriote. Et il ne perd pas une occasion d'entretenir son image : « Si Castro passait le pas de la porte, là, je le tuerais, pas parce que je le hais, mais parce que je tue les cafards », a-t-il récemment déclaré à l'Associated Press. Pour ses ennemis, en revanche, c'est presque un monstre, un dangereux contre-révolutionnaire.
Une vie de terroriste
Luis Posada Carriles est contacté par la CIA au moment du débarquement de la Baie des Cochons en 1961, une tentative d'invasion militaire de Cuba par des exilés cubains soutenus par les Etats-Unis. Il participe à cette opération puis intègre l'agence du renseignement américain en 1965. Devenu l’agent A15, il collecte des informations au sein de groupes violents d’exilés cubains, et participe également à des missions de sabotage. La CIA met un terme à cette collaboration en 1976, juste après l'explosion en vol d'un avion de la compagnie Cubana, qui effectuait la liaison avec Caracas, au Venezuela.
Luis Posada Cariles est soupçonné d'avoir participé à la préparation de cet attentat qui a coûté la vie à 73 personnes. Inculpé pour homicide par la justice vénézuélienne, l’anti-castriste s'évade en août 1985, juste avant son procès en appel. Il trouve refuge au Salvador, où il aide les « Contras », la guérilla qui se bat contre le gouvernement de gauche de Daniel Ortega.
Quelques années plus tard, en 2000, il est incarcéré et condamné à huit ans de prison au Panama, cette fois pour tentative d'assassinat sur la personne de Fidel Castro, lors d'un sommet régional. Il est relâché en 2004.
C'est aux Etats-Unis qu'il réapparaît en 2005, lors d'une conférence de presse à Miami. Il est immédiatement arrêté pour « entrée illégale sur le territoire américain ». On le conduit à El Paso, au Texas, pour l'interroger sur son entrée aux Etats-Unis, mais aussi sur les attentats de La Havane de 1997. Plusieurs bombes avaient explosé dans des lieux touristiques de la capitale cubaine et un Italien avait trouvé la mort. Le Venezuela dépose immédiatement une demande d'extradition. La procédure est toujours en cours.
Un procès « hypocrite »
Aujourd’hui, plusieurs voix s'élèvent, côté américain comme cubain, contre le traitement de faveur dont bénéficierait le terroriste présumé. Elles reprochent aux autorités fédérales américaines de l'accuser seulement de fausses déclarations, un chef d'accusation a minima, alors que FBI est en possession de plusieurs documents attestant de la responsabilité de l'anti-castriste dans des affaires de terrorisme.
Dans une interview accordée au New York Times en 1998, Luis Posada Cariles reconnaissait lui-même son implication dans les attentats de La Havane en 1997. « C'est triste que quelqu'un soit mort, mais on ne peut pas arrêter. Cet Italien était assis à la mauvaise place au mauvais moment », avait-t-il raconté à la journaliste du quotidien américain. Depuis, le Vénézuélien est revenu sur ces aveux en expliquant qu'il n'avait pas bien compris les questions.
Pour les victimes, les charges retenues sont donc insuffisantes : « C’est trop tard et pas assez […] et cela décrédibilise les Etats-Unis dans leur lutte contre le terrorisme », regrette Livio Di Celmo, le frère du touriste italien tué à La Havane.
Un pas dans les relations entre Cuba et les Etats-Unis
Si ce procès est considéré comme hypocrite par certains, nombre d’experts y voient le premier réel effort de Washington pour reconnaître les actes illégaux de l'anti-castriste commis avec le soutien des Etats-Unis.
Au début de la procédure, les chefs d'inculpation retenus ne concernaient que les déclarations de Luis Posada Carriles sur son entrée aux Etats-Unis. Mais sous l'impulsion de l'administration Obama, trois chefs d’accusation supplémentaires ont été introduits à propos de ses déclarations sur les attentats de La Havane. Et pour la première fois, les autorités judiciaires américaines ont accepté des preuves remises par Cuba.
« C’est en quelque sorte une manière symbolique de répudier Posada », a déclaré le directeur de projet de documentation des Archives nationales sur Cuba, Peter Kornbluh. Pour les spécialistes de Cuba, c’est même un « point d’inflexion » dans les relations américano-cubaines.
En revanche, les Etats-Unis n’accepteront sans doute pas l’extradition de l’ex-agent de la CIA vers le Venezuela. « Il y a beaucoup de cadavres dans le placard, et je suis sûr que certains, à Washington, n’ont pas envie de voir Posada extradé, car il pourrait chanter comme un canari », a souligné Jose Pertierra, l’avocat en charge du dossier pour le Venezuela. Luis Posada Carriles encourt de cinq à huit ans de prison s’il est reconnu coupable.