La justice française s’est saisie du dossier après la plainte déposé par cinq familles franco-chilienne. Car parmi les milliers de disparus se trouvaient ces quatre français : Georges Klein, Etienne Pesle, Alphonse Chanfreau et Jean-Yves Claudet. Après 12 ans d’instruction, le procès débute ce mercredi 8 décembre 2010, devant la Cour d’assise à Paris. Pour la Franco-Chilienne Renata Molina de l’association France-Amérique Latine, qui s’est constituée partie civile, « la justice française permet de mettre en accusation, à travers la disparition de ces quatre personnes, un jugement sur l’ensemble de la dictature».
Les quarorze accusés, grands absents du procès
Douze militaires chiliens, dont l’ancien chef de la Dina, la police secrète, Manuel Contreras, un officier argentin et un civil chilien figurent parmi les accusés. Deux sont déjà décédés : le général Pinochet et Paul Schaefer, l’ancien chef de la Colonia Dignidad, transformé en centre de torture pendant la dictature. Certains des accusés ont déjà été condamnés pour d’autres faits à des peines de prison dans leur pays, mais la plupart d’entre-eux n’ont jamais été inquiétés par la justice chilienne, « une justice partielle et oublieuse » selon Maître Sophie Thonon, avocat de la famille Claudet :
« La justice chilienne est une justice qui est très décevante pour les victimes. Elle est oublieuse parce qu’il y a très peu de cas qui arrivent devant la justice chilienne. Elle est lacunaire parce que ce n’est pas l’intégralité des faits qui est prise en compte. Et tout est utilisé pour la faire dévier de son objectif qui est véritablement de rendre justice. Le meilleur exemple est Pinochet qui n’a pas été condamné alors qu’il a pu être condamné ».
Les familles de victimes sont confrontées à une véritable omerta sur les crimes de la dictature. Il n’est donc pas étonnant qu’ils attendent beaucoup de ce procès français. Même si les accusés seront jugés en absence. Aucun ne s’est déplacé à Paris. Leurs avocats ont également choisi d’ignorer le procès. « Oui, il a entendu parler de ce procès », explique Maître Jorge Balmaceda joint au Chili qui précise que « seul la justice chilienne est compétente pour juger des délits commis au Chili. La justice française n’a pas la compétence juridique dans cette affaire ».
Un procès symbolique mais de portée internationale
Avec un banc des accusés vide, le procès relève d’un caractère avant tout symbolique. C’est une grande déception pour les familles. Elles auraient préféré que les anciens tortionnaires soient présents et qu’ils répondent de vive voix de leurs actes. Jacqueline Claudet est la sœur de Jean-Yves Claudet, enlevé, torturé et tué en 1975. Pour elle, ce procès est, malgré ses lacunes, un début de justice :
« Au point où on est, je prends note (de l’absence des accusés NDLR). Ils savent que ce procès a lieu. Ils savent qu’après la condamnation ils ne pourront pas quitter légalement le Chili. C’est important. Ce n’est pas la justice que l’on aurait espérée mais c’est un début de justice ».
Maître William Bourdon, qui représente trois familles franco-chiliennes, souligne pour sa part que ce procès « historique » aura une portée internationale : « Le juge français ne jugera pas seulement à la demande des familles mais pour tous les Chiliens et même pour l’humanité. Car il s’agit des crimes contre l’humanité même si ce n’est pas sous cette qualification qu’ils sont poursuivis ».
« J’espère que justice sera faite »
Les avocats s’attendent à ce que de lourdes peines soient prononcées contre les accusés. Les faits reprochés - enlèvement et séquestration avec acte de torture et de barbarie - sont passibles de la réclusion à perpétuité. Une chose est sûre : le mandat d’arrêt international déjà lancé contre eux sera confirmé. Mais tant qu’ils restent dans leur pays, les anciens militaires n’ont pas beaucoup de soucis à se faire, le Chili refusant de les extrader.
Venue de Santiago du Chili pour assister au procès, Natalia Chanfreau, dont le père a disparu en 1975, espère repartir l’esprit apaisé. « J’espère pouvoir rentrer au Chili pour raconter à mes fils que l’on a eu justice en France. On ne peut pas torturer et tuer des gens et se maintenir dans l’impunité »
Le procès durera dix jours, il sera filmé pour son intérêt historique. Le jugement sera prononcé le 17 décembre.