Depuis dix ans le nom de Mario Vargas Llosa figurait sur les fameuses listes de l’Académie suédoise. « Je ne pensais même pas être parmi les candidats » s'est-il amusé. Mais cette fois-ci, c’est enfin la consécration pour cet immense écrivain, déjà lauréat du prix Cervantès en 1994, qui s’est engagé aussi cœur et âme dans la politique. En 1990, il s’est présenté à la tête de la coalition de centre-droit Frente Democrático (FREDEMO) contre le futur président Alberto Fujimori.
Mario Vargas Llosa est né comme Jorge Mario Pedro Vargas Llosa le 28 mars 1936 dans le sud du Pérou, à Arquipa. Il grandit auprès de sa mère et ses grands-parents maternels à Cochabamba en Bolivie, avant de retrouver à l'âge de 10 ans son père, un homme violent. Puis, il part vivre à Pérou. A l’âge de 14 ans, il commence ses études littéraires à l’Académie militaire Leoncio Prado de Lima. Une expérience mal vécue qu’il exorcise plus tard dans son livre « La Ville et les chiens », couronné par le Prix de la Crítica qui signe le début de sa carrière d’écrivain. Grâce à une bourse, il poursuit ses études littéraires à l’université San Marcos de Lima et réussit un doctorat à Madrid. A peine âgé de 19 ans, il épouse en 1955 sa tante Julia Urquidi, de 15 ans son aînée ; une histoire qui nourrira le récit intime et tendre de « La Tante Julia et le scribouillard » (1977).
Depuis toujours il exerce plusieurs métiers : correcteur, chroniqueur aux rubriques cinéma de revues littéraires, traducteur, professeur d’espagnol, journaliste... Quand il s’installe après « Les Caïds » à Paris, il collabore aussi à l’Agence France-Presse. « Les Caïds », son premier recueil de nouvelles, est publié en 1959, mais c’est avec le succès mondial « La Ville et les chiens » (1963) et « La Maison verte » (1965) qu’il a bâti sa réputation, avec son style relativement facile à lire, imprégné d’imagination, de réalisme et de figures fortes. « Conversations à la cathédrale », où il raconte brillamment une longue conversation dans une taverne péruvienne, est considéré comme son chef-d’œuvre.
Une relation complexe et profonde avec la politique
« Cette bête secrète qui vous habite a un rôle très important dans la création. Il faut ouvrir la cage pour que la bête sorte et agisse dans ce que vous êtes en train de créer. C’est une idée qui n’est pas à moi. C’est une idée d’un écrivain que j’admire beaucoup, Georges Bataille disait que la littérature exprime le mal. » En 1973, il dépeint le fanatisme militaire et religieux au Pérou avec la satire « Pantaléon et les Visiteuses » où un militaire très méticuleux organise une expédition de prostituées pour les militaires. D'abord, il vénère Sartre pour sa conception politique de la littérature avant de prendre ses distances avec « l’écrivain engagé ». Son essai « L’Orgie perpétuelle » est consacré à son maître Flaubert.
Sa relation avec la politique se révèle complexe et profonde. Au début, il se laisse séduire par une branche étudiante du Parti communiste péruvien qu’il quitte quand les interdits staliniens pèsent trop lourd sur la littérature. Il retente sa chance avec le communisme lors de la révolution cubaine et vit une nouvelle déception avec Fidel Castro. Il quitte Cuba et divorce de sa femme pour se remarier plus tard avec une cousine. Au début des années 1970, il rompt avec le « lider maximo » et tourne définitivement le dos au communisme et à l’extrême gauche. Mario Vargas Llosa devient libéral, pour certains « très libéral ». Un engagement qui le mène à être le (malheureux) candidat de la droite libérale à l’élection présidentielle péruvienne de 1990. Après une défaite totale il s’installe à Madrid, écrit ses mémoires « Le Poisson dans l’eau » et fait la démarche auprès de Felipe Gonzales afin d’obtenir aussi la nationalité espagnole.
« Un livre comme Les Misérables a changé la vie des nations », disait-il au micro de RFI. Comme beaucoup d’auteurs sud-américains, il ne se limite pas à être uniquement écrivain, ("parce qu'il n'y a que dans les pays démocratiques qu'on peut se payer le luxe de ne pas faire de politique"). Il accepte de devenir président du Pen Club et mène, en parallèle, à partir des années 1980, une carrière politique. Il a beaucoup en commun avec l’écrivain colombien Gabriel Marcia Marquez. Les deux seront liés pendant plusieurs années par une étroite amitié, mais « elle se terminera abruptement dans un incident qu’aucun des protagonistes n’a expliqué » rapporte AFP. Dix-huit ans après le prix Nobel de littérature pour Marquez, c’est maintenant le tour de Mario Vargas Llosa. L’occasion idéale pour refaire la paix.