Les favelas enfin au cœur de l’agenda politique brésilien

Alors que les favelas ont longtemps été abandonnées par les pouvoirs publics, elles ont retrouvé une existence politique sous l’ère Lula. Leur pacification et leur aménagement est une priorité d’ici la Coupe du monde en 2014. Illustration dans l’une des plus grandes et des plus dangereuses favelas de Rio de Janeiro, le Complexo do Alemão, qui sera bientôt desservie par un téléphérique, le premier installé au Brésil en zone urbaine. Un chantier inscrit dans le programme de grands travaux du gouvernement Lula, qui urbanise peu à peu les quartiers pauvres.

De notre correspondante au Brésil,

Ruth reprend son souffle en regardant ses douze sachets de supermarché alignés sur le chemin de sa masure, dans le Complexo do Alemão, un ensemble de treize favelas accrochées aux collines de la banlieue nord de Rio, où vivent 120 000 personnes.
« C´est dur ici quand on fait des courses. Moi je souffre des genoux, mais il faut tout porter à bout de bras. Heureusement, bientôt, ça ira mieux... à 100% ».

Bientôt, le téléphérique la déposera au dessus de sa ruelle. Ruth est voisine de la gare du Morro do Adeus où tourneront des cabines, après l´inauguration, prévue en fin d´année. Les travaux ont débuté en mai 2009, lorsqu´après une visite du président Lula, le programme de grands travaux du gouvernement a entrepris ce chantier au milieu de l´enchevêtrement de maisons. Le téléphérique survolera des ruelles où ne passait pas une moto, sur 3,6 km, en 16 minutes de la première à la sixième gare.
 

Une cabine pour 10 passagers sera en gare toutes les dix secondes. Comme dans les Alpes, ou presque : la société française Poma a adapté ses télécabines hivernales aux nécessités tropicales, sans porte-skis mais avec pare-soleil, lumière pour fonctionner la nuit, radio pour communiquer avec les passagers, et ventilation ; le tout alimenté par la plaque solaire installée sur le toit. Ce transport aérien fonctionne, avec succès, depuis huit ans dans un bidonville de Medellin, en Colombie. « Nos cabines sont reliées au métro de Rio, et cela permet de survoler une topographie accidentée et très densément peuplée », explique Benjamin Dunesme, représentant de Poma.

La fin d'une « impuissance historique »
 
Le Complexo do Alemão n´est pas encore pacifié, 40% des homicides de la cité balnéaire ensanglantent le  « quartier général » du gang Comando Vermelho. Mais les améliorations urbaines devraient un jour amener la paix dans cette zone de non-droit, estime Jailson Silva, sociologue fondateur de l´ONG Observatoire des favelas : « Les favelas ont gagné le cœur de l´agenda politique, grâce au gouvernement du président Lula mais aussi parce que les autorités de Rio ont enfin rompu avec leur impuissance historique. »

Le gouverneur, Sergio Cabral, en passe d´être réélu au premier tour, a lancé fin 2008 les UPP, des unités de police de proximité chargées de ramener la paix dans les favelas, et qui ouvrent la voie aux programmes sociaux, égouts et électricité aux normes, au remplacement de masures branlantes, et aux touristes.
 

D´ici 2012, 200 000 habitants devraient bénéficier des UPP, alors que deux millions de personnes, soit un tiers des Cariocas, vivent dans un bidonville de Rio. Vitrine du Brésil, l´ancienne capitale accueillera en 2014 la Coupe du Monde et en 2016, des Jeux olympiques : il y a urgence. 

Lors d´une récente visite à Cantagalo, favela pacifiée qui domine Ipanema, la dauphine de Lula a vanté les résultats des UPP. « Ce programme doit servir de modèle dans tout le Brésil, car améliorer la vie d´une communauté pauvre bénéficie à une ville entière », a déclaré Dilma Rousseff, la grande favorite du scrutin de dimanche. L'affiche de la candidate est la seule ostensiblement visible dans les favelas de Rio.

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