Selon leur hauteur par rapport au niveau de la mer, tous les quartiers de la ville n’ont pas été autant affectés. Alors que le « French Quarter », le quartier historique du centre de la ville était relativement épargné, le Lower 9th ward, la partie basse du quartier n°9 était au contraire totalement submergée et détruite en quelques minutes.
Les maisons de Brad Pitt aux lignes carrées et futuristes
Gerdie Leblanc habite Tennesse Street, l’une des rues les plus proches du mur de béton qui a cédé sous le poids de l’eau, et surtout, sous les coups des barges qui ont rompu les amarres et sont venues buter dans ce fameux mur qui n’a pas résisté. De la maison de Gerdie Leblanc, il ne reste que quatre marches en béton qu’elle a soigneusement laissées dans le jardin à côté de sa nouvelle maison.
Robert habite quatre lopins de terre plus loin. Devant la porte d’entrée, il affiche fièrement un immense chien gonflable couleur noir et or, symbole de l’équipe de football américain. Mais si tous les touristes, journalistes et curieux s’arrêtent devant la maison de Robert, c’est qu’elle a été reconstruite par « Make it right », l’organisation fondée par Brad Pitt, précisément pour la reconstruction de la Nouvelle Orléans. Cette maison jaune pâle aux lignes carrées et futuristes est une maison écologique avec des matériaux recyclables, des panneaux solaires, une très bonne isolation et malgré la chaleur étouffante qui frôle à l’extérieur les 40°C, il fait bon à l’intérieur.
Les aides sont bien minces pour ceux qui ont tout perdu
La principale nouveauté des maisons imaginées par Brad Pitt et la trentaine d’architectes de sa fondation, c’est surtout les pilotis sur lesquels reposent les fondations de la maison, car le Mississipi est toujours là avec ses canaux, ses barges et donc un danger potentiel. Le long mur de béton qui est censé protégé le quartier a été reconstruit à l’identique avec pas beaucoup plus de règles de sécurité, et il apparait bien ténu face à un nouveau déferlement.
Mais la maison traditionnelle de Gerdie Leblanc et celle de Robert sont encore bien isolées. Autour, les terrains de leurs voisins sont en friche ou bien sont tondus régulièrement pour bien signifier qu’ils ne sont pas à l’abandon. Car les aides sont bien minces pour ceux qui ont tout perdu.
En 2006, 46% seulement des habitants de la Nouvelle-Orléans étaient revenus
Le FEMA, l’organisme fédéral dédié aux catastrophes distribue avec parcimonie les aides et selon des critères qui apparaissent bien flous à la population de la Nouvelle-Orléans. Alors Gerdie, après avoir vécu dans un mobil-home pendant des mois, a fini par pouvoir reconstruire sa maison avec l’aide financière et matérielle de ses voisins. Dans ce quartier, peu de gens avaient pu se payer une assurance inondation et quand ils l’ont fait, les assurances ont trouvé tous les prétextes possibles et imaginables pour éviter de rembourser.
C’est un frein supplémentaire pour ceux qui ne sont toujours pas revenus. En juillet 2006, 46% seulement des habitants de la Nouvelle-Orléans étaient revenus, 78% en décembre 2009 et 85% environ aujourd’hui. Ceux qui ne sont pas revenus sont surtout les afro-américains les plus pauvres qui n’ont pas trouvé les moyens de revenir.
L’éducation, l’un des facteurs essentiels du retour
85% des écoles ont été détruites pendant Katrina. Mais c’est presque une chance car le système éducatif de la Nouvelle-Orléans avant le cyclone était en échec total : 96% des élèves n’avaient pas le niveau requis en anglais à la fin du lycée, 94% en maths…
La reconstruction est donc l’occasion rêvée d’améliorer le système. L’état de la Louisiane et l’Etat fédéral n’ayant pas les moyens de s’atteler à la tâche, les « charters schools » prennent le relais. Ces charters schools sont des écoles privées qui sont sous contrat avec le public. Elles ont poussé comme des champignons depuis Katrina. Leurs directeurs ont une large autonomie qui leur permet de choisir leurs enseignants et leurs méthodes, tout en respectant le programme scolaire national.
Le taux de chômage le plus faible des Etats-Unis
Mais comme le fait remarquer Ben Markoviz, « aux Etats-Unis on n’aime pas beaucoup fermer des classes, alors même si une charter school ne répond pas aux critères nationaux, elle est rarement fermée ». Pour le moment, ces écoles toutes neuves disposent d’équipes motivées et très déterminées à apporter leur pierre à l’édifice mais dans dix ans ? La question reste posée. En attendant, ces écoles attirent énormément. La Nouvelle-Orléans affiche le plus fort taux d’élèves scolarisés dans des charters schools.
La formation de toute cette génération est d’autant plus importante qu’à la sortie, ils ont de fortes chances de trouver un emploi. Entre la pêche intensive, l’industrie pétrolière et la reconstruction, la Louisiane a le taux de chômage le plus faible des Etats-Unis : 4% contre 9.4% au niveau national. Après Katrina, de nombreuses personnes se sont senties investies d’une mission dans la reconstruction.
Les « naked-pizzas », une autre philosophie pour s’alimenter
Qu’ils soient natifs de la Nouvelle-Orléans ou d’ailleurs, de nombreux jeunes entrepreneurs sont venus apporter leur pierre à l’édifice : ici c’est une femme qui a créé son entreprise de démolition et a peint son bulldozer en rose, là c’est un homme qui a créé des « naked-pizzas », une autre philosophie pour s’alimenter. Des organismes comme « The Idea village » aident tous ces entrepreneurs à s’installer rapidement à la Nouvelle-Orléans.
L’économie de la Louisiane est d’autant plus dynamique que l’équipe municipale a changé au début de l’année. L’ancien maire Ray Nagin, un afro-américain, avait été réélu juste après Katrina mais son inertie en matière de reconstruction lui a attiré les foudres de la population de la Nouvelle-Orléans, qui, à la dernière élection, a préféré désigner, pour la première fois depuis plus de 40 ans, un blanc à la tête des affaires municipales.
Le fils du dernier maire blanc de la ville
Il faut dire que Mitch Landrieu est l’une des figures locales, le fils du dernier maire blanc de la ville. Les milieux d’affaires attendent surtout de lui qu’il engage une guerre sans pitié contre la corruption, qui, bien avant Katrina, était en train de ruiner la Louisiane.
A ce titre, le fait que le gouvernement fédéral débloque la plus grosse enveloppe jamais attribuée pour la reconstruction des écoles, est clairement un signe de soutien à cette nouvelle équipe.