Immigration: pourquoi l'Arizona veut durcir sa loi

L'Arizona va faire appel : la gouverneure de cet Etat conteste la suspension de dispositions controversées, au niveau fédéral, de cette loi sur l'immigration. Le nouveau texte, amputé de ses principales dispositions, entre cependant en vigueur ce 29 juillet 2010 dans cet Etat très sensible à la question des migrants puisque frontalier avec le Mexique.

Le jugement intervenu mercredi 28 juillet 2010 donne raison à tous ceux qui ont contesté cette loi devant la justice, depuis l'administration Obama, qui affirme que les questions d'immigration sont de la compétence exclusive du gouvernement fédéral, jusqu'à certains policiers eux-mêmes, en passant par toute la gamme des associations qui défendent les droits des étrangers.

Mais la suspension n'est que partielle, elle ne porte pas sur la loi dans son entier. Et puis la juge fédérale de Phoenix n'a pas décidé sur le fond, elle a seulement bloqué l'application de ce qui lui paraissait le plus contestable. Le temps que le procès en inconstitutionnalité présenté par Washington suive son cours, vraisemblablement jusqu'à la Cour suprême...

Si cette loi, votée par le Parlement de l'Arizona puis promulguée par la gouverneure en avril dernier, est si controversée, c'est surtout parce qu'elle contraindrait les policiers de cet Etat à vérifier eux-mêmes l'identité et le statut des clandestins présumés, pour lesquels le fait même d'être sans papiers constituerait en soi un délit. Au risque aussi pour les policiers interpellateurs d'être accusés de racisme et de procéder au faciès. C'est d'ailleurs avant tout ce nouveau pouvoir policier que la juge a suspendu.

« Le gouvernement fédéral ne fait pas son travail »

Pourquoi l'Arizona s'est-il ainsi mis dans cette situation délicate d'un empiètement quasi-caractérisé (la juge en semble en tout cas convaincue) sur une compétence fédérale? A Phoenix, Bruno Debeurre, sympathisant républicain, explique pourquoi le parti qu'il soutient, et qui domine la vie politique en Arizona, s'est lancé dans cette bataille : « On a l'impression qu'à Washington, qui est tout de même à 4 heures d'avion de Phoenix, les choses n'évoluent pas ». Alors que sur place on est touché de plein fouet par le surcroît de criminalité dû à la proximité d'un pays en proie à la violence et au crime organisé.

Washington ne ferait donc pas correctement son travail en ne protégeant pas cet Etat vulnérable des violations de toutes sortes enregistrées à la frontière. C'est d'ailleurs pour répondre à ce reproche que Barack Obama est en train d'envoyer sur place un renfort de 1.200 gardes-frontière, qui commenceront à se déployer le 1er août.

L'analyse des adversaires de la loi est très différente. Selon eux, elle serait inefficace, et pleine d'effets pervers. C'est ce qu'affirme le révérend Robin Hoover ; il dirige à Tucson une association, Humane Borders, d'aide aux migrants qui risquent la déshydratation dans le désert de l'Arizona, et il est persuadé que ceux qui souffriraient le plus en Arizona d'un tel changement seraient les membres de la communauté d'origine hispanique qui vit légalement sur le sol américain, et qui est très surreprésentée en Arizona. « Ca va transformer leurs relations avec la police, dont ils vont avoir peur ».
 

 L’hostilité des Hispaniques en situation régulière

La loi SB 1070 a donc rencontré l'hostilité, non seulement du gouvernement fédéral et des ONG de défense des droits de l'homme, mais aussi du Mexique qui, en compagnie de quelques autres Etats latino-américains, a fait entendre sa voix dans le débat. Ce pays voisin est en effet en première ligne : près de la moitié des quelque 11 millions de clandestins qui vivraient aux Etats-Unis seraient ses ressortissants. Mais, selon Morgan Quero, politologue à l'Université de Mexico, le Mexique s'est contenté du service minimum. « Il n'a pas fait grand chose. En fait la décision la plus importante contre cette loi a été prise par Barack Obama, le président des Etats-Unis ».
 

 Il restera maintenant à ce même Barack Obama à reprendre l'initiative sur l'immigration, et à lancer peut-être cette grande réforme qu'il a promise, avec d'une part un volet sécurité accrue à la frontière, mais aussi d'autre part un volet régularisation, voire naturalisation, pour ceux qui vivent déjà aux Etats-Unis. Une réforme difficile à engager dans l'actuel contexte électoral, mais qui le sera sans doute tout autant après les élections de novembre prochain tant cette route-là est semée d'embûches.

Avec cette tentative, temporairement avortée, de s'immiscer dans la politique migratoire des Etats-Unis, l'Arizona a en tout cas pris la tête d'un mouvement d'opinion qui connaît une nouvelle ampleur : la loi partiellement suspendue était plutôt populaire, à en croire un sondage d'après lequel 60% des Américains l'approuvent, et une vingtaine d'autres Etats n'attendaient qu'un feu vert judiciaire pour emboîter le pas à l'Arizona.

 

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