L’inquiétude grandit aux États-Unis pour les millions de chômeurs qui ont perdu leur emploi, à cause de la pandémie de coronavirus. Le bonus fédéral de 600 dollars par semaine alloués depuis avril à quelque 32 millions d’Américains, selon le Département du Travail, expire officiellement le 31 juillet. Peut-être même dès ce week-end (le 25 ou 26 juillet), pour raisons administratives, à moins que, d’ici là, le Congrès américain ne vote sa prolongation.
« Ce bonus s’ajoute aux allocations régulières fournies par les différents États. S’il expirait, à la fin du mois de juillet, près des deux tiers des allocations chômages seraient réduites », prévient Gregory Daco, économiste à Oxford Economics, aux États-Unis.
Prolonger cette aide est « une priorité » pour l’Administration Trump. Mais elle devrait diminuer et passer à 70 % du salaire début août. « Nous n’allons pas continuer dans sa forme actuelle parce que nous n’allons pas payer plus pour rester à la maison que pour travailler », a déclaré ce 23 juillet 2020 le Secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, sur la chaine américaine CNBC.
Républicains et Démocrates s’opposent en effet depuis des semaines sur les conditions de maintien de cette aide, avec en ligne de mire l’élection présidentielle de novembre. Les Démocrates veulent qu’elle soit prolongée intégralement jusqu’à « au moins l’année prochaine », les Républicains craignent, eux, qu’elle soit un frein à la recherche d’emploi. « Si le montant de l’allocation est trop élevé, certaines personnes rechigneront à chercher un emploi », estime Gary Burtless, économiste à la Brookings Institution. Mais, tempère-t-il, il y a surtout beaucoup plus de personnes « désespérées de ne pas trouver d’emploi », aux États-Unis que le contraire.
« La crise est loin d’être terminée »
Ce dispositif est, pour de nombreux économistes, crucial pour éviter que de nombreux ménages sombrent dans la pauvreté, alors que la première puissance mondiale est en plein marasme sanitaire et économique.
Les États-Unis sont en effet le pays le plus touché par la pandémie avec près de 4 millions de personnes contaminées (3 970 908 ce 23 juillet) et 143 190 morts, devant le Brésil, la Grande-Bretagne ou encore le Mexique. Le FMI, le Fonds monétaire international, prévoit même une récession de 6,6 % cette année. De plus, 1,4 million de personnes supplémentaires ont fait une demande d’indemnité chômage la semaine dernière.
« Malheureusement la crise est loin d’être terminée. On est encore dans une situation dramatique du point de vue du marché du travail », souligne Gregory Daco. « On a un taux de chômage encore très élevé, au-delà de 11 %. Globalement plus de 30 millions d’individus continuent à bénéficier des allocations chômage. »
Cette allocation chômage du gouvernement fédéral, 600 dollars par semaine donc, a été votée fin mars dans le cadre du CARES Act, le plan d’urgence de plus de 2 000 milliards de dollars, qui a permis aux entreprises et aux individus les plus fragiles de sortir la tête de l’eau. « Sans cette aide, ils auraient été obligés de se contenter des indemnités de bases des États », c’est à dire 383 dollars par semaine en moyenne.
Autre aspect important de ce dispositif : « Il a permis à de nombreux individus qui n’avaient pas accès aux indemnités chômage de pouvoir faire une demande d’allocations. Ces individus étant des travailleurs indépendants ou des travailleurs à temps partiels qui ont été affectés par la crise du Covid. »
Des aides variables selon les États
Mais il existe de grandes disparités entre les différents États. « Les États n’ont pas le même barème en matière d’allocation chômage. Certains sont plus généreux que d’autres », confirme Grégory Daco. Par exemple, les habitants du Maryland peuvent percevoir cette indemnité chômage pendant six mois, contre trois pour ceux de la Géorgie ou du Nevada. Le montant du versement varie aussi : de 235 dollars par semaine dans le Mississippi, à 823 dollars dans le Massachusetts.
Non seulement ces aides ont permis à de nombreux Américains de payer leurs factures, elles ont permis de continuer à faire fonctionner le moteur principal du pays : la consommation. « C’est là que la contribution fédérale a été très utile et extrêmement favorable à la consommation, puisque les familles à plus faibles revenus ont vu leur pertes de revenus compensées par des allocations chômage relativement fortes, ainsi que des chèques qui ont été envoyés directement aux familles au mois d’avril. Cela a permis aux foyers les plus démunis de continuer à consommer presque de la manière qu’avant la crise du Covid », reconnait Gregory Daco.
L’attente du verdict du Congrès inquiète donc de nombreux Américains, créant aussi un climat d’incertitude qui pèse sur l’ensemble de l’économie du pays. « Le risque est gros parce que après une phase de reprise économique relativement rapide depuis avril, on entre dans une phase beaucoup plus lente dans laquelle la situation sanitaire se détériore rapidement et dans laquelle de nombreux individus restent dans une situation plus que précaire puisqu’ils ont perdu leur emploi ou vu leur nombre d’heures travaillées réduit fortement », dit Gregory Daco. « Dans ce contexte il y est important de voir une forme de continuité dans l’apport financier de la part du gouvernement qui devrait permettre aux populations les plus démunies de continuer à dépenser de manière régulière et ainsi éviter un choc supplémentaire à l’économie américaine dans cette phase de transition très importante. »