Incendies en Amazonie: l’économie à la rescousse de l’écologie?

Avec près de 20% d’incendies en plus en juin 2020 par rapport à l’année précédente, la saison sèche a très mal commencé pour la forêt amazonienne. Face aux pressions intérieures et extérieures, le gouvernement brésilien est obligé de changer de ton et de s’engager à réduire la déforestation et les incendies. Les pressions financières pourraient être un moyen de forcer le gouvernement brésilien à agir pour l’environnement.  

Le Brésil a connu son pire mois de juin depuis 13 ans concernant les feux de forêt. 19,5% d’incendies en plus se sont déclarés par rapport à l’an dernier. La branche brésilienne deGreenpeace a publié vendredi 17 juillet, des images de survol de l’Etat du Mato Grosso, dans l’ouest du pays. « Tous les incendies sont actuellement illégaux en raison de l'interdiction d'incendies par le gouvernement de l'État du Mato Grosso de juillet à septembre », précise l'ONG. Ces feux sont généralement provoqués par des agriculteurs pratiquant la technique du brûlis dans les zones déboisées pour cultiver ou faire paître le bétail. Selon Greenpeace, qui cite les données de l’Institut Brésilien de Recherche Spatiale, le Mato Grosso a enregistré le plus grand nombre d’incendies en Amazonie brésilienne cette année, soit près de 50% de tous les incendies de 2020, pour cette zone.

La déforestation, quant à elle, continue de progresser très vite. Au premier semestre de 2020, elle a été de 25% supérieure aux six premiers mois de l’année précédente. 3 069 km2 de forêt ont disparu, chiffre le plus élevé depuis 2015 et le début de la compilation de ces données, selon l'Institut National des recherches spatiales (INPE).

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Au mois de mai, le gouvernement a envoyé l’armée en Amazonie pour lutter contre les incendies. Des opérations qui ont commencé trop tard, de l’aveu du vice-président Hamilton Mourao. Les agents de la police environnementale, en charge de la surveillance de la forêt, avaient reçu l’ordre de cesser la plupart de leurs patrouilles, pour cause de Covid-19.

Ces chiffres alarmants ne font malheureusement que confirmer les prévisions des analystes. Selon leurs estimations, 2020 pourrait être une année encore plus dévastatrice que l’année précédente. En 2019, 30 000 foyers avaient été enregistrés par l’INPE, déjà trois fois plus qu’en 2018.

Au vu de ce début d'année 2020 inquiétant, plusieurs acteurs économiques brésiliens et mondiaux ont menacé le gouvernement de Jair Bolsonaro de mettre fin à leurs financements. Fin juin, des fonds d’investissement d’Europe, d’Asie, et d’Amérique du Sud, qui administrent 4 000 milliards de dollars, ont menacé de retirer leurs investissements… un argument qui semble avoir fait mouche.

Changement de ton au gouvernement

Hamilton Mourao, vice-président brésilien, s’est engagé à réduire à un minimum acceptable la déforestation et les incendies, en réponses aux critiques venues de l’intérieur et de l’extérieur du pays. La menace des investisseurs, notamment, est prise très au sérieux par le gouvernement. Le pays a plus que jamais besoin de devises pour relancer une économie sinistrée par le coronavirus. « Le fait que la pression vienne d'investisseurs et non de chefs d'Etats change la donne », estime auprès de l'AFP André Perfeito, économiste du cabinet de consultants Necton. Le vice-président brésilien n'a toutefois fourni aucune précision sur les moyens que Brasilia comptait mettre en œuvre.

Le 7 juillet dernier, les PDG de 39 sociétés, dont Microsoft, Ambev (première compagnie de brassage d’Amérique du Sud), Shell ainsi que des banques mondiales comme Santander se sont inquiétés de l’impact que la mauvaise image du Brésil en matière d’environnement pourrait avoir sur leurs échanges commerciaux. En mai, plus de 40 entreprises anglaises ont écrit au législateur pour exprimer leur inquiétude concernant les feux et la déforestation. Les grands exportateurs brésiliens, également préoccupés par la mauvaise image du pays en terme d’environnement ont exprimé leurs préoccupations. Par ailleurs, 17 anciens ministres de l’Economie et d’anciens présidents de la Banque centrale ont demandé un changement de politique.

Ces derniers mois, les questions environnementales ont pris plus de place dans les discussions entre le Brésil et les acteurs économiques mondiaux. Le chef de l’Etat, qui n’a jamais affiché de préoccupation pour l’environnement, a dit plusieurs fois vouloir ouvrir les territoires indigènes et les réserves naturelles protégées aux activités minières et agricoles, qui favorisent le plus la déforestation. Pour lui, les ONG de défense de l’environnement ainsi que certains pays veulent entraver le développement économique du Brésil, tout en menaçant sa souveraineté. « Le Brésil est une puissance dans l'agronégoce et l’Europe est une secte environnementale. Ils n’ont rien préservé de leur environnement, presque rien. Mais ils nous tirent tout le temps dessus, et de manière injuste. Pourquoi ? Parce que c’est une bataille commerciale », a-t-il d’ailleurs déclaré jeudi 16 juillet.

Greenpeace appelle l'Union européenne à mettre en œuvre une nouvelle législation pour garantir que les biens entrant sur le marché européen ne soient plus liés à la déforestation, à la destruction des forêts et d'autres écosystèmes ou à des violations des droits humains. Une étude publiée par la revue américaineScience a montré qu'un cinquième des exportations de soja et de viande bovine du Brésil vers l'Union européenne provenait de terres déboisées illégalement.

Dans un monde où le développement durable prend de plus en plus d’importance, il semble difficile pour le Brésil de continuer à négliger cet aspect. D’ailleurs, dans l’accord commercial entre le Mercosur (la communauté économique qui regroupe plusieurs pays de l'Amérique du Sud) et l’Union européenne, signé par Jair Bolsonaro, un chapitre est dédié au développement durable.

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