États-Unis: une foule immense à Houston pour rendre hommage à George Floyd

La marche organisée en mémoire de George Floyd, mort asphyxié par un policier, a rassemblé 60 00 personnes. Un chiffre impressionnant pour cette ville du Texas. Le cortège était mené par la famille de celui qui a grandi à Houston.

Ils sont nombreux à porter des t-shirts à l’effigie de George Floyd, avec ces mots : « I can’ t breathe [Je ne peux pas respirer] ». Dans la foule à pied ou à cheval, des Afro-Américains, mais aussi des Latinos et des Asiatiques, rapporte notre envoyé spécial à Houston, Thomas Harms.

« Ça m’a vraiment surpris, mais aussi rempli de beaucoup d’émotion de voir autant de monde, confie un jeune homme. Des gens de couleur, des Latinos, des Asiatiques. Et c’est bien de voir qu’une ville aussi diverse que Houston est unie. »

Plusieurs shérifs marchent avec la foule. Des policiers lèvent le pouce en soutien. Le chef de la police de Houston, Art Acevedo, s'agenouille avec les manifestants. Même Will Hurd, le seul élu républicain noir au Congrès américain, est présent dans la foule.

Arrivés devant la mairie de la ville, les milliers de personnes écoutent la famille. « Jamais je n’aurais pensé qu'on aurait autant de monde pour mon frère, déclare Philonyse Floyd, le frère de George. Je ne serais pas ici si vous n’étiez pas là. Je serais chez moi en état de choc sur ma chaise. Je suis blessé. J’aime mon frère. »

Réforme de la police

Après lui, l’avocat de la famille Floyd, Lee Merritt, se montre déterminé : « On doit emmener ce combat à Washington DC. On appelle à la création d’une loi George Floyd de réforme de la police. Et nous ne nous arrêterons pas de protester, ni de nous battre tant que cela n’arrivera pas. »

La lutte est titanesque tant elle remet en cause tout le système de maintien de l'ordre dans le pays. Car, selon Human Rights Watch, qui se fonde sur les statistiques de ces trois dernières années, ce système n'accorde pas la même valeur à toutes les vies humaines.

Maltraitance des Afro-Américains

« Aux États-Unis, la police tue environ 1 000 personnes par an, ce qui fait beaucoup, rappelle Kenneth Roth, le directeur exécutif de l'ONG, au micro de Marie Normand, journaliste au service international de RFI. Mais il faut aussi observer cela sous l’angle racial. Ces trois dernières années, même si les Afro-Américains ne représentent qu’environ 13% de la population aux États-Unis, ils représentent 25% des personnes tuées par la police, soit près du double. C’est même pire si l’on ne prend que les personnes tuées qui n’étaient pas armées : environ 37% de Noirs. »

Comment inverser la tendance ? « L’impunité avec laquelle les policiers opèrent doit être examinée, poursuit Kenneth Roth. Il y a très peu de poursuites. Mais le traitement réservé aux Afro-Américains par la police n’est qu’une partie du problème, une partie du traitement que leur réserve le système politique américain. On peut évoquer le sous-financement de l’accès aux soins basiques de santé. C’est l’un des facteurs qui expliquent pourquoi le taux de mortalité lié à la pandémie de coronavirus a été si élevé parmi les Afro-Américains. Et c’est pourquoi le meurtre de George Floyd a déclenché une telle animosité à travers le monde : il reflète vraiment la maltraitance d’un système plus large. »

La crainte de la division entretenue par Donald Trump

Pour de nombreux manifestants dans la rue à Houston, il faut maintenant un changement en profondeur. Mais aussi un changement qui passera par les urnes en novembre prochain.

Or, nombre d'analystes aux États-Unis observent avec une inquiétude grandissante les menaces brandies par Donald Trump envers les manifestations contre les violences policières, le racisme et les inégalités dans le pays. C'est ce que soulève Dick Howard, professeur émérite en philosophie politique à l'université de Stony Brook à New York, joint par Stefanie Schüler, du service international de RFI.

« Je l'avoue : j'ai peur. Je ne vois pas comment on peut s'en sortir avec ce président et une telle division du pays, s'inquiète Dick Howard. Ce président sait qu'il souffre de forts désavantages dans la campagne électorale. Il ne comprend pas et il n'a pas de respect pour la Constitution, pour l'idée de la séparation des pouvoirs, nécessaire à la gouvernance d'une république. Je crains qu'il outrepasse ses propres compétences. D'autre part, à supposer qu'il ne soit pas réélu [à l'élection présidentielle du 3 novembre prochain], je ne sais pas ce que feraient ses partisans : les trumpistes sont de plus en plus chauffés à blanc. Qu'est-ce que cela peut donner d'ici novembre ? J'ai de fortes craintes. »

Pour l'instant, les menaces de Donald Trump n'empêchent pas la mobilisation dans le pays. Outre Houston, à Los Angeles, le maire Eric Garcetti a posé avec des policiers un genou à terre, symbole depuis 2016 de la dénonciation des violences policières contre la minorité afro-américaine.

À Washington, plusieurs milliers de personnes, dont la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, ont manifesté jusque tard dans la soirée ce mardi, bravant le couvre-feu décrété par la municipalité à partir de 19h. Les abords de la Maison Blanche ont été bloqués par des barrières de métal, empêchant toute confrontation directe avec les forces de l'ordre.

À écouter : Quels droits et quelle justice pour les Afro-Américains?

Partager :