Tunisie : confusion dans l'attente d'un nouveau gouvernement

En Tunisie, l’assassinat de Chokri Belaïd a provoqué une onde de choc. L’opposant, secrétaire général du parti des patriotes démocrates, a été tué par balles ce mercredi 6 février 2013 dans la matinée, alors qu’il sortait de chez lui à Tunis. Dans la journée, les Tunisiens sont descendus par milliers, notamment dans les rues de la capitale. Des manifestations contre le pouvoir islamiste accusé de laxisme, voire de complicité dans le climat de violence politique qui règne depuis plusieurs jours. Lors de violents affrontements avec les forces de l’ordre, un policier a été tué. Une mobilisation qui a poussé le Premier ministre tunisien à s’adresser à la nation jeudi soir. Hamadi Jebali a annoncé des changements à la tête de l’Etat.

Sans aucun doute, la Tunisie traverse la crise politique la plus grave depuis la révolution. Des violences entre manifestants et forces de l'ordre se sont poursuivies jusque tard dans la nuit de mercredi, provoquant la mort d'un policier. Mercredi soir, les états-majors de tous les partis politiques se réunissaient pour décider quelles suites donner à l’assassinat de Chokri Belaïd.

A la télévision tunisienne, plusieurs ténors politiques ont réitéré leur souhait de se retirer de l’Assemblée nationale constituante, très en retard dans la rédaction de la Constitution. D’autres ont tout simplement demandé sa dissolution.

Des milliers de personnes vont sans doute manifester à nouveau vendredi, au moment des obsèques de Chokri Belaïd. La Tunisie craint de nouveaux heurts.

L'émotion a même gagné Paris, où des Tunisiens ont fait le siège de l'ambassade dès mercredi matin, demandant que le drapeau soit mis en berne. Comme beaucoup, ces opposants exigent la dissolution des ligues de défense de la Révolution. Ces comités sont accusés d'être soutenus par le parti islamiste Ennahda au pouvoir, et soupçonnés d'être responsables des dernières violences dirigées contre des réunions publiques de partis politiques. Le parti de Chokri Belaïd avait notamment été visé au Kef, dans le nord-ouest de la Tunisie, dimanche.

Appel à la grève générale

L’opposition a aussi la ferme intention de réagir. Après la mort du leader de gauche, quatre partis ont appelé mercredi 6 février à quitter l’Assemblée constituante, qui cumule déjà près de six mois de retard dans la rédaction de la Constitution. Ces partis vont également annoncer ce jeudi matin si les mesures d’urgence décidées par le Premier ministre islamiste Hamadi Jebali, à savoir la nomination d’un nouveau gouvernement de technocrates, changent la donne pour eux ou si c’est encore insuffisant.

Ces partis ont également appelé à une grève générale vendredi, jour des funérailles. Elle pourrait être très suivie, d'autant que l’exaspération sociale est à son comble dans le pays, deux ans après la révolution. Dès 10 heures ce matin, le bureau exécutif de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le puissant syndicat tunisien, doit se réunir pour décider ou non de se joindre à la grève générale. Et on connaît en Tunisie la capacité de mobilisation très forte de ce syndicat

Cet assassinat risque de polariser encore plus le débat politique en Tunisie, avec d’un côté les islamistes, et de l’autre la gauche et l’opposition.

Interviewée par RFI, Nadia Chaabane, députée du parti Al Massar, estime que la décision du Premier ministre de former un nouveau gouvernement n’est qu’un début.

Ennahda pointé du doigt

Depuis des mois, en Tunisie, les relations entre Ennahda et ses opposants sont extrêmement tendues. Les meetings de l’opposition sont régulièrement attaqués, ce qui avait déjà causé la mort d’une personne dans le sud du pays, il y a quelques mois. Et justement, mardi 5 février, la veille même de son assassinat, Chokri Belaïd dénonçait lors d'une conférence de presse, l'aile dure des islamistes du gouvernement d’Ennahda, qu'il accusait de se livrer à la violence politique.

Rached Ghannouchi, président d'Ennahda, a rejeté les accusations portées à son égard et contre son parti. Il les a qualifiées de « règlements de compte », mais dénonce un crime odieux et un acte lâche visant à déstabiliser le pays.

Le président Moncef Marzouki, qui se trouvait à Strasbourg, au Parlement européen, a décidé d'écourter son déplacement et de rentrer en Tunisie. Moncef Marzouki a également annulé son déplacement prévu au Caire, ce jeudi 7 février. Il a appelé à la retenue et à la sagesse. Pour le président tunisien, cet assassinat n’est pas une coïncidence mais « un message ».

Pourquoi Chokri Belaïd a-t-il été visé ?

M. Belaïd dérangeait, et on a voulu impressionner les démocrates par cet acte, explique l'avocat Mokhtar Trifi, président d’honneur de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, joint par RFI.

Suivez l'évolution de la situation sur le compte Twitter de notre correspondant à Tunis, David Thomson

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