Avec notre correspondant et notre envoyée spéciale à Bujumbura,
Nouvelle journée de manifestation, dans les rues des quartiers périphériques de Bujumbura, dès les premières heures de la matinée, ce lundi. Les manifestants, qui s'opposent à la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat à l'élection présidentielle de juin au Burundi, font face aux forces de l'ordre, déployées en masse dans les rues de la capitale.
■ Reprise des affrontements
Des heurts violents ont éclaté à la mi-journée, notamment dans le quartier de Musaga, dans le sud de Bujumbura. Des tirs de gaz lacrymogène et des tirs à balle réelle ont été signalés par l’envoyée spéciale de RFI sur place, qui témoigne avoir vu plusieurs blessés. Un homme touché par balle à la jambe, un autre à l'abdomen. D’autres blessés ont été emmenés dans un centre de santé de Musaga où des infirmiers amateurs tentent avec les moyens du bord d’arrêter les hémorragies. Autre bilan donné par la société civile, selon ses responsables, deux personnes ont été tuées par balle, ce lundi, lors des heurts avec la police.
Les jeunes restent très remontés contre les policiers. « Même s’ils nous tuent, expliquait un manifestant, ils ne pourront pas nous tuer tous. Nous continuerons jusqu’à ce que le président Nkurunziza renonce à son troisième mandat ».
Un peu plus tôt, les manifestants avaient réussi à repousser les policiers à l’entrée de la ville, mais ces derniers ont ensuite lancé l'assaut.
Selon le porte-parole du ministère de la sécurité publique, il y a eu 15 policiers blessés dans une attaque à la grenade à Musaga : « La grenade venait du côté des manifestants mais les enquêtes sont en cours ».
Ce matin pourtant, la situation était tendue, mais calme avec un face-à-face entre les policiers et des centaines de manifestants qui demandaient le passage pour aller en centre-ville. Régulièrement, il y a eu des montées de tension où les policiers et manifestants se sont rapprochés parfois à moins d’un mètre de distance. Des leaders ont même régulièrement essayé de discuter avec les forces de l’ordre pour calmer la situation.
■ Une semaine cruciale sur le plan politique
La semaine qui s'ouvre sera cruciale sur le plan politique. Premier rendez-vous très attendu, celui de la Cour constitutionnelle du Burundi. Saisis par le Sénat sur la validité ou non d’une troisième candidature du président Pierre Nkurunziza, les sept juges devraient se prononcer ce lundi ou ce mardi. Il n’y a cependant pas beaucoup de surprises à attendre d’une Cour constitutionnelle qui n’a pas fait preuve d’indépendance jusqu’ici.
Passé cette épreuve, Pierre Nkurunziza doit décider très rapidement s’il se représente ou non à la présidentielle, malgré un mouvement de contestation prêt à tout pour l’en empêcher.
Après deux jours de trêve, les membres du collectif « Halte au troisième mandat » et l’opposition politique burundaise jouent leur va-tout à partir de ce lundi matin. L’enjeu pourrait mobiliser plus largement que la semaine passée.
L’autre inconnue porte sur ce que vont faire les principaux opposants burundais si l’actuel président ne cède pas aux pressions locales et internationales. Aujourd’hui, tout le monde les appelle à ne pas boycotter les élections, comme ce fut le cas en 2010.
Enfin, le gouvernement burundais a qualifié les manifestants « d’ennemis du pays » et a promis de les traiter comme des « terroristes ». Tous les observateurs vont donc scruter à la loupe l’attitude l'armée, qui s’est interposée jusqu’ici entre les manifestants et une police accusée d’être aux ordres. Cette armée semble désormais traversée par une ligne de fracture entre ceux qui prônent la neutralité et ceux qui mettent en avant la loyauté au pouvoir.
■ Les inquiétudes des Nations unies
Au cours de la première semaine de contestation, sept civils et trois membres des forces de sécurité ont été tués. L'ONU s'est dite profondément préoccupée par les mesures prises par les autorités burundaises pour réprimer la liberté d’expression et le droit à manifester en particulier l'usage de tirs à balles réelles contre les manifestants. Les Nations unies appellent à l'ouverture urgente d'un dialogue entre les deux parties.