À Khartoum, une question est sur toutes les lèvres : Hemeti, dont le vrai nom est Mohamed Hamdan Dogolo, figure-t-il sur cette liste ? Ce dernier a souvent été mis en cause pour son rôle présumé dans des exactions au Darfour. Mais cet ancien milicien, qui dirige aujourd’hui les Forces de soutien rapide, un groupe paramilitaire, est aujourd’hui le « numéro deux » du Conseil souverain au pouvoir à Khartoum.
Maintes fois interrogé au sujet de cet encombrant allié, le Premier ministre Hamdok répète que personne n’est au-dessus des lois.
La justice, il le sait bien, est une vieille revendication des Darfouriens, qui la considèrent comme la condition sine qua non de la paix.
Abdalla Hamdok a pu le constater lorsqu’il a rencontré, le mois dernier, des personnes déplacées par le conflit, à l’occasion d’un déplacement au Darfour, le seul voyage qu’il ait fait dans l’intérieur depuis son arrivée au pouvoir.
C’est également une revendication des rebelles darfouriens. Les enquêtes annoncées et d'éventuels procès pourraient dégripper le processus de paix à Juba.
Selon un bon connaisseur du dossier, les progrès en matière de justice à Khartoum pourraient même pousser Washington à lever ses sanctions, qui remontent à 2006 mais sont toujours en vigueur.
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Malgré cette annonce, la prudence demeure
Pourtant, beaucoup de questions restent sans réponse, pour l'instant, après l'annonce par le procureur général soudanais, dimanche, de l'ouverture d'une enquête sur les crimes commis au Darfour depuis 2003.
« Prudence et patience », voilà l'état d'esprit de l'avocat soudanais Amir Suleiman, du Centre africain pour la justice et la paix. Pour l'instant, l'annonce du procureur général est « très vague », dit-il. Il souligne notamment qu'une loi réprimant les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité existe bel et bien au Soudan, mais depuis 2008 seulement, alors que les violences dans le Darfour, elles, ont commencé cinq ans plus tôt.
La direction Afrique de Human Rights Watch de son côté recommande d'attendre de voir comment les choses évoluent. Et du côté de la Cour pénale internationale, un porte-parole déclare que la situation est « suivie », mais se refuse à d'autres commentaires à ce stade.
Tous attendent en tout cas que les autorités soudanaises soient plus précises. Notamment, selon Amir Suleiman, sur « le mandat et les membres » de la commission nommée par le procureur général pour poursuivre les donneurs d'ordre des crimes commis dans l'ouest. Et donc aussi, sur la juridiction qui sera chargée des procès.
Car une dernière ambiguïté devra aussi être levée : dans sa déclaration dimanche, le procureur général a dit que les accusés pourraient être jugés « en n'importe quel endroit ». Suggérant donc la possibilité que ce soit peut-être devant la CPI.