Une cinquantaine d'officiers de l'armée et de la police de l'ouest, tous debouts devant la préfecture générale à Sabrata, ville située à 60 kilomètres de Tripoli, déclarent ce mardi avoir lâché le gouvernement Fayez al-Sarraj. Ils intègrent l'Armée nationale libyenne :
« Nous faisons ce choix parce que nous pensons qu'il est le meilleur, nous croyons que l'ANL dirigée par le maréchal Haftar, peut réunifier la patrie, lui rendre son prestige et rendre leur dignité aux citoyens. L'ANL peut mettre fin au chaos, rétablir la sécurité et la stabilité. Sauver le pays des mains des milices. »
Aussitôt, l'emblème sur la page Facebook de ces forces change : l'image de l'aigle remplace le croissant qui auréole deux épées croisées.
Les forces de Sabrata ne font en fait qu'officialiser leur position... Car ce changement de camp n'est une surprise pour personne. Le major-général Omar Abdel Jalil, chargé en 2017 par le Premier ministre de combattre l'organisation État islamique à Sabrata, constate que le gouvernement soutenu par la communauté internationale n'est qu'un « gouvernement de milices ». Il soutenait donc secrètement l'Armée nationale libyenne.
Au tout au début de cette guerre à Tripoli, une source bien informée à Sabrata nous affirmait que les forces sécuritaires de la ville avaient clairement pris position pour l'ANL. « Ce qui était sous la table est désormais au-dessus de la table », affirme cette source. Des proches de l'ANL affirment que d'autres villes qui entourent Tripoli feront de même et s'allieront à l'ANL très prochainement. Sur la liste, Sarmane, Ajilat ou al Jamil, ses villes comme Gheryane, Bani Walid et Tarhouna soutiennent déjà le maréchal.
Encercler la capitale par des forces qui s'allient à sa cause semble être la stratégie de l'homme fort de l'est pour gagner cette guerre. « Lui, ce qu’il voulait faire idéalement le 4 avril, et cela aurait pu marcher - ça n’a pas marché mais je pense qu’il va rester sur la même logique - c’est effectivement convaincre le maximum de communautés de groupes armés autour de Tripoli. Sa stratégie d’entourer Tripoli a marché à moitié, elle aurait pu beaucoup mieux marcher, estime Jalel Harchaoui, chercheur à l'institut Clingendael à La Haye. Et à cause de ça, les milices à l’intérieur, au cœur de la capitale, ont eu le mauvais réflexe, de son point de vue, en lui résistant encore plus. Et finalement, maintenant que l’on sait que son opération des premières 48 heures n’a pas marché, mais il reste grosso modo sur la même stratégie, c’est-à-dire pouvoir petit à petit convaincre et jouer sur les divisions intérieures du centre-ville de Tripoli, et continuer à essayer d’augmenter ces loyautés et ces alignements autour de Tripoli. Finalement, on est en train d’assister à une version beaucoup plus lente, plus périlleuse, plus destructrice, plus risquée de la même stratégie, celle qui aurait pu marcher en deux jours au début du mois d’avril. »
L'aviation de Misrata, loyale au gouvernement Sarraj, a mené des frappes hier mardi au sud de Sabrata et des positions sur la ville de Gheryane.
Selon l'OMS, 345 personnes sont mortes et 1 652 ont été blessées depuis le début de cette offensive lancée le 4 avril dernier par le maréchal Haftar.