Manifestation réprimée au Zimbabwe: qui contrôle l’armée?

Au Zimbabwe, après une semaine politique agitée, les rumeurs d’arrestations et d’intimidations vis-à-vis de l’opposition continuent. Le président de la Ligue des jeunes du MDC a été arrêté samedi soir, et sa famille menacée, a annoncé le parti de l’opposant Nelson Chamisa. De son côté, le chef de l’Etat, Emmerson Mnangagwa, assure que son gouvernement respectera la liberté d’expression. A Harare, les Zimbabwéens se demandent qui a envoyé l’armée tirer sur les manifestants de l'opposition, cette semaine, et qui contrôle les militaires ainsi que la police.

Il y a, d’un côté, un président qui se veut apaisant, assurant qu’il respectera les libertés publiques. De l’autre, l’opposition crie à l’intimidation et aux menaces.

Kevin, un jeune qui a voté pour le MDC, se demande si le chef de l’Etat contrôle les forces de sécurité : « Je lui fais confiance. Mnangagwa veut du bien pour ce pays mais je ne sais pas ce que pensent les militaires qui sont autour de lui, si l’armée a une influence sur tout ce qu’il fait, j’ai des doutes. C’est pour cela que les gens sont en colère. Ils ne font pas confiance à l’armée. »

Qui a donc envoyé l’armée réprimer la manifestation de l’opposition cette semaine ? Pour le chercheur Thierry Vircoulon, cet incident montre qu’il y a deux centres de pouvoir, à savoir le président Mnangagwa d’un côté et le vice-président, Constantino Chiwenga, ex-chef d’état-major de l’armée, de l’autre.

« L’un est un militaire - purement militaire - qui a accédé à la vice-présidence depuis la chute de Mugabe, tandis que l’autre est un "sécurocrate" mais aussi et en même temps, un politicien. Du coup, ils n’ont pas forcément toujours la même vision des choses. Il est clair que Chiwenga, défendant les intérêts de l’armée, a souvent des positions plus dures et a souvent aussi des réactions plus autoritaires », explique-t-il.

Une dualité qui met le président en difficulté. Ces élections étaient censées être la démonstration qu’il y a un nouveau régime, respectueux des libertés publiques mais cette opération de séduction a capoté, après l’intervention de l’armée qui s’est soldée par la mort de six personnes.

L’image du nouveau chef de l’Etat « endommagée »

Joint par RFI, Stephen Chan, chercheur à l'université de Londres, estime que la répression de cette manifestation a énormément nui à l’image du nouveau chef de l’Etat.

« De nombreux observateurs et journalistes étaient présents durant ces violences. Ils ont vu et filmé la scène. Il est donc impossible, pour le gouvernement, de nier ce qu'il s'est passé et nier la brutalité qui a été employée. Cela a endommagé la crédibilité de ce gouvernement et il va falloir qu'il trouve un moyen de retourner cette image dans les mois à venir. En tout cas, cette violence a révélé une fracture au sein du parti au pouvoir avec d'un côté, l'aile dure et de l'autre, ceux qui veulent être un gouvernement civil qui va reprendre contact avec la communauté internationale. Mais je pense que les soldats qui sont intervenus de façon brutale, l'ont fait avec des ordres très clairs. On l'a vu sur les images filmées par les journalistes. Ils ont débarqué tirant dans tous les sens, avec l'intention de faire des dégâts et quelqu'un a donné l'ordre. Pour moi, la manière dont l'armée est intervenue suggère que quelqu'un a décidé de retirer la police anti-émeute et que la conduite de l'armée était prévue d'avance, pour donner une leçon sévère aux manifestants. Sauf que personne n'a pensé qu'il y aurait autant de témoins et que les photos feraient le tour du monde », a-t-il souligné.

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