« Le seul usage qui nous reste de cette terre, c’est d’en faire notre cimetière ». Ces mots d’un villageois Masaï du Ngorongoro illustrent le désespoir de certains habitants.
Dans un rapport publié en mai, le think tank californien Oakland institute raconte trois ans d’enquête sur ces terres protégées de la vallée du Grand Rift, que les Masaï se partagent avec les entreprises touristiques.
Une cohabitation difficile. Violence physique, menaces, habitations brûlées… Pour construire des lodges, organiser des safaris ou élargir leurs terrains de chasse, les acteurs du tourisme exproprient les Masaï, non sans l’approbation des autorités.
« Une savane immaculée »
Car la Tanzanie privilégie l’industrie touristique aux dépens des Masai, considérés comme indésirables, analyse Anuradha Mittal, qui a publié l'enquête sur le sujet pour le think tank Oakland institue.
« Les entreprises touristiques veulent une savane immaculée, le genre d’image qu’on voit dans National Geographic ou à la télévision, la savane avec les lions, les bêtes sauvages... Ils ne veulent pas voir d’êtres humains. Ils nient l’existence de cette population, qui vit pourtant sur cette terre depuis toujours. »
En août dernier, le gouvernement a organisé des expulsions à grande échelle. Dans son communiqué de presse, le ministère du Tourisme et des Ressources naturelles parle clairement d’« élimination » du bétail et des habitations, tout en justifiant l’opération : il s’agit de protéger l’écosystème et favoriser le tourisme.
Après cet épisode, les médias ont rapporté quelque 20 000 personnes laissées sans abri et des pertes importantes dans le bétail, leur principal moyen de subsistance.
Une atmosphère de représailles
Mais les Masaï se battent pour la reconnaissance de leur droit à vivre sur ces terres. En dépit des intimidations des autorités locales, plusieurs villages ont porté l’affaire devant la Cour de justice de l’Afrique de l’Est, et attendant désormais sa décision.
Pour Anuradha Mittal, de l’Oakland institute, l’intervention de l’armée est directement liée à l'action judiciaire en cours. « L’armée affirme qu’elle protège le parc national du Serengeti, mais les villageois ont été battus sur le territoire de leur village, et pas dans le parc. C’est un vrai climat de répression, on leur dit "comment osez-vous aller devant la Cour de justice régionale ?" »
Sur place, les observateurs s’inquiètent du climat de peur instauré par les autorités. Ils espèrent rapidement une décision de la Cour de justice de l'Afrique de l'est qui mette définitivement fin aux expulsions. La première audience a eu lieu le 7 juin à Arusha.