Mort de présumés jihadistes au Mali: la thèse d’une bavure se renforce

Selon l’armée malienne, une quinzaine de jihadistes présumés ont été tués, vendredi 6 avril, lors d’une tentative d’évasion de la prison de Dioura, dans le centre du pays. Or, cette version officielle est de plus en plus contestée. De nouveaux témoignages affirment que ces détenus ont été sommairement exécutés.

Selon la Direction de l’information et des relations publiques des armées (Dirpa), ce sont 14 suspects terroristes qui ont trouvé la mort, le lendemain de leur arrestation, lors d’une présumée tentative d’évasion dans le centre du pays. Cependant, cette thèse est de plus en plus contestée. D’abord, sur le terrain, les élus, des sources indépendantes ainsi que des parents de personnes tuées parlent désormais ouvertement « d’exécutions sommaires ».

Selon le maire de Nampala qui se trouve à l'étranger, toutes les victimes sont issues d'un même campement, à Nebal une dizaine de km de Dioura. Il raconte, grâce aux témoignages qu'il a pu recueillir, comment les choses se sont passées vendredi dernier, selon lui : « Vendredi, une patrouille de l’armée arrivait dans le village de Nebal dans l’après-midi et ont trouvé beaucoup de personnes dans le campement. Selon les informations, cela s’est passé entre 15 heures et 17 heures. Là, ils ont arrêté 14 personnes, dont deux personnes de plus de 65 ans. Les femmes et certains ont pu fuir et nous ont donné les informations à travers les responsables locaux. Ils sont tous des citoyens de Nampala, bien qu’ils soient dans la zone de Dioura. Certains sont de la même famille. Pour l’instant, nous ne parvenons pas à voir les corps, mais on espère les retrouver ».

A Bamako également, des voix contestent désormais la version officielle. C’est le cas de Nouhoum Sarr, membre de l’Association Tabital Pulaaku, principale association des Peuls du Mali. « Il y a 14 personnes qui ont été arrêtées et exécutées par des militaires maliens. Le communiqué de l’armée dit qu’ils essayaient de s’évader, chose qui n’est pas vraie. Ce sont des exécutions sommaires ; il n’y a pas eu de tentatives d’évasion. J’ai eu des sources sûres. Ces gens ont été arrêtés dans le village de Nebal, près de Dioura », affirme-t-il.

Ce membre de l'Association Tabital Pulaaku affirme également, à ce sujet, être entré en contact avec le ministre malien de la Défense, Tiéna Coulibaly. « Le ministre nous a rassurés. Il m’a assuré au téléphone qu’il allait mener les actions qui s’imposaient pour que la vérité soit dite, pour que la lumière soit faite sur ces exactions qui malheureusement sont commises tous les jours », a ajouté Nouhoum Sarr.

L'ONG Human Rights Watch demande aux autorités maliennes de conduire des investigations « crédibles ». Des investigations qui doivent, selon elle, également se pencher sur la mort de 27 personnes en détention. Des faits qui se sont produits en février, mars et avril 2018.


Réaction officielle

Le ministre malien de la Défense a saisi dimanche le procureur militaire pour faire la lumière sur ce qui s'est passé à Dioura. Tiena Coulibaly dit à ce stade n'avoir aucune information précise. Si la thèse d'une bavure commise par des soldats maliens devait se confirmer, le ministre s'engage à ce qu'ils soient poursuivis pour leurs actes. Tiena Coulibaly demande par ailleurs à tous ceux qui s'adonnent à la rumeur, de ne pas culpabiliser sans cesse l'armée malienne et de ne pas confondre des agissements individuels avec le travail de l'armée, engagée rappelle t-il aux cotés de tous les Maliens.

Tiena Coulibaly est l'invité Afrique de RFI lundi 9 avril 2018 à 4h43 TU

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