C’est bien par un bâtiment annexe à la chancellerie que les assaillants ont réussi à franchir l’un des murs d’enceinte de l'ambassade de France après avoir tué le gendarme burkinabè de faction. Ils ont aussitôt été stoppés dans leur assaut par les gendarmes de l’ambassade soutenus par les forces burkinabè. Maïza Sérémé ajoute que l’autre militaire burkinabè tué par les terroristes était un homme non armé qui quittait les services du consulat.
La procureure confirme par ailleurs que la voiture berline gris clair qui a servi au transport des assaillants a été incendiée par l’un d’entre eux.
A l’état-major, selon les premiers éléments de l’enquête, ce sont quatre assaillants – et non pas cinq comme on l’a cru un moment – qui ont pris d’assaut le bâtiment. Deux sont arrivés en mobylette rouge, deux autres en voiture Nissan Almeira verte.
Pendant que trois des terroristes faisaient usage de leur kalachnikovs, de grenades et d’engins incendiaires, le quatrième homme au volant du véhicule a attendu qu’on lui ouvre le portail arrière pour faire sauter la Nissan contre un bâtiment où devait se tenir une réunion du G5 Sahel, indique Maïza Sérémé. Ces hommes étaient en civil, soulignent les enquêteurs, et portaient tous des bandeaux blanc autour de la tête où étaient écrits en arabe des slogans à la gloire d’Allah.
Encore des zones d’ombre
Des zones d’ombres demeurent sur la façon dont la voiture piégée a franchi la porte. Comment cette porte qui est intacte a-t-elle pu s’ouvrir de l’intérieur à un véhicule apparemment civil s'il n’y avait pas une complicité dans l’enceinte militaire ? Ou alors les terroristes ont-ils réussi à forcer le passage par une porte de service avant d’ouvrir ce fameux portail. Les enquêteurs n’excluent aucune complicité intérieure ou extérieure à l’armée.
De même, on ne connait pas encore l’identité ou la nationalité des terroristes ni la nature de l’explosif utilisé dans la voiture piégée. On en revient par ailleurs au bilan initial de huit militaires et huit assaillant tués, alors que le dernier faisait état de neuf assaillants et sept militaires tués.
L'enquête se poursuit. Huit personnes ont été interpellées et placées en garde à vue, parmi lesquelles deux militaires, un ex-militaire radié et cinq civils. Les enquêteurs, qui devraient prochainement diffuser les portraits des terroristes, lancent un appel à témoin pour faciliter les investigations.
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Le GSIM, le groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans de Iyad Ag Ghaly, a, par ailleurs, écrit dans la revendication de l'attentat que son objectif était « de rappeler au régime burkinabè la politique du précédent gouvernement qui était resté neutre dans la lutte contre les jihadistes et a ainsi évité de tomber dans la flaque de sang ».
Cette phrase permet de reparler des connexions entre Iyad Ag Ghaly et le régime Compaoré, car pour la première fois, un groupe jihadiste pointe clairement le changement intervenu à Ouagadougou. Un fin connaisseur du dossier se souvient que « sous Blaise Compaoré, le Burkina était épargné. Dès les premières attaques en 2015 on se posait la question : n'était-ce pas lié à la chute de Blaise Compaoré et au changement de politique vis-à-vis des jihadistes ? Aujourd'hui, par cette revendication, nous en avons la confirmation et c'est n'est pas rien ».
Cette source rappelle également que, sous le régime de Blaise Compaoré, Iyad Ag Ghali avait souvent logé dans le quartier résidentiel de Ouaga 2000. Il était en relation avec le chef de l'Etat, mais aussi par exemple avec le général Gilbert Diendéré, l'ancien bras droit de Blaise Compaoré dont le procès vient de commencer.
Des relations qui ont cessé avec le nouveau régime
Dans plusieurs interviews, le président Kaboré a d'ailleurs dénoncé la « collusion » du régime de Blaise Compaoré avec les groupes jihadistes sahéliens. « Dans cette affaire, ils sont tous connectés », estime également un observateur de la vie politique. « ils veulent faire payer ce qui s'est passé. Ils agissent pour fragiliser le nouveau régime, le harceler », affirme-t-il tout en reconnaissant l'absence de preuves matérielles pour étayer ces accusations.
En novembre dernier, dans un communiqué, Blaise Compaoré démentait : « ceci est odieux, scandaleux, abject (...) Je brise exceptionnellement le silence pour condamner fermement ces allégations ».