C'était il y a 34 ans et pourtant la douleur est toujours là. Moncef Lajmi s'exprime d'une voix ferme. « On m'a pris ma dignité », lance-t-il. Condamné à 17 ans de prison en 1984, il est venu raconter, devant les caméras et un public d'une centaine de personnes, comment la répression des émeutes du pain a brisé sa vie.
Les faits remontent au 27 décembre 1983 lorsque le gouvernement tunisien décide de doubler les prix du pain, de la semoule et des pâtes, jusque-là subventionnés par l'Etat. D'importantes manifestations ont alors lieu jusqu'à l'annulation de cette mesure, le 6 janvier 1984. Mais la répression aura été féroce : 800 arrestations, ainsi que 123 morts et plus de 1 500 blessés selon la Ligue tunisienne des droits de l'homme.
Torturé en prison, puis empêché de trouver un emploi, Moncef Lajmi fond en larmes pendant son récit. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal. Je veux juste qu'ils s'excusent, explique-t-il. Et demande la vérité, comme la vingtaine d'autres victimes qui se succèdent au pupitre : anciens prisonniers, père, épouse ou fils de manifestant tué pendant les émeutes.
L'instance Vérité et dignité, qui a commencé ses travaux en 2014, a jusqu'au printemps de cette année pour finir de recenser toutes les exactions commises sous les régimes de Bourguiba puis Ben Ali. Elle doit permettre aux victimes d'être réhabilitées et d'obtenir réparation.