Kenya: élection présidentielle à haut risque

L'élection présidentielle aura bien lieu ce jeudi 26 octobre au Kenya. Le chef de la commission électorale l'a confirmé dans l'après-midi. Le scrutin est boycotté par l'opposition, son chef de file, Raila Odinga n'y participe pas. Ce mercredi après-midi ce dernier a réuni plusieurs milliers de partisans dans la capitale Nairobi. Le chef de file de l'opposition kényane leur a demandé de ne pas aller voter. De son côté, le président Uhuru Kenyatta exhorte ses concitoyens à la « paix » pour le scrutin de demain, organisé après l'invalidation par la Cour suprême de l'élection du 8 août.

« Ne participez pas à cette élection truquée », a demandé l’opposant à ses supporters habillés tout en orange, la couleur de son parti. Un nouvel appel au boycott donc, auquel Raila Odinga a apporté des précisions cette fois. Il a demandé à ses partisans de convaincre leur entourage de ne pas aller voter. Il leur a conseillé d’organiser des prières ou de rester à la maison.

Pour le leader de la Nasa, il s’agit de protester contre une élection « antidémocratique » mais aussi sauver des vies. « Nous savons que le régime est prêt pour utiliser n’importe quelle excuse pour massacrer notre peuple », a déclaré Raila Odinga. Mais leader de l'opposition n'a en revanche pas confirmé son appel à manifester durant l'élection.

Raila Odinga annonce la transformation de la Nasa en un mouvement de «résistance»

A plus long terme, l’opposant a annoncé qu’à partir d’aujourd’hui, la coalition Nasa se transformait en mouvement de résistance. Pour lui cela veut dire une posture de désobéissance, cela passe par le boycott des biens, services et produits qui bénéficieraient au pouvoir. Il a aussi convoqué une assemblée du peuple pour le retour de la démocratie et de mobiliser toutes les forces en faveur d’une nouvelle élection dans les prochains 90 jours.

Le président Uhuru Kenyatta a appelé à « faire prévaloir la paix »

Le président kényan a parlé à son tour. Uhuru Kenyatta a dit qu’il était temps d’arrêter d’être dans la politique, dans l’incertitude, et qu’après cette élection, tout le monde devait travailler ensemble pour rattraper le temps perdu. Le chef de l’Etat a ajouté qu’il ne laisserait pas l’anarchie s’installer, que ceux qui n’étaient pas d’accord avec ce scrutin devaient rester dans le cadre de la loi et qu’il protégerait les Kényans.

A Kisumu, bastion de l'opposition, « il n’y aura pas d’élection », selon les sympathisants de la Nasa

Un homme a été blessé par balle lors d'affrontements entre les manifestants et la police autour du quartier de Kondele à Kisumu ce mercredi 25 octobre en fin d'après-midi.

Une partie des bureaux situés dans les fiefs de l'opposition pourraient être perturbés, voire donc ne pas ouvrir du tout. Des agents de l'IEBC pourraient par exemple ne pas venir par crainte d'être attaqués. Plusieurs membres de la Commission électorale ont été pris pour cible ces dernières semaines.

« Quand votre choix de servir votre nation devient aussi dangereux que de partir en guerre, alors nous sommes tombés au plus bas »

En confirmant la tenue du scrutin, mercredi, Wafula Chebukati, le président de l'IEBC n'a d'ailleurs pas caché son inquiétude pour les agents de la Commission.

« Nous sommes dans une bataille entre rester dans le statu quo ou aller de l'avant, a-t-il expliqué. Arrivé à un tel moment, qui définit autant votre héritage, beaucoup auraient abandonné le navire, d'autres auraient vu leur destin détruit. Les nombreux Kényans qui ont signé pour devenir agents de la Commission et servir leur pays n'auraient jamais pensé que leur travail mettrait leur vie en danger. La semaine dernière un de nos membres a vu sa maison brûlée par ses propres voisins. Quand votre choix de servir votre nation devient aussi dangereux que de partir en guerre, alors nous sommes tombés au plus bas. »

« Cependant, a justifié Wafula Chebukati, suite aux assurances données par les autorités et les agences de sécurité, suite aux progrès réalisés au sein de la Commission, les élections se dérouleront comme prévu. Tous les bureaux ouvriront à 6h pour que les Kényans exercent leur droit démocratique. Après avoir voté, rentrez chez vous et attendez l'annonce des résultats. »

Inquiétude de la communauté internationale

Le scrutin kényan sera également en partie boudé par les observateurs internationaux : l'Union européenne et la Fondation Carter, citant des raisons de sécurité, ont réduit la taille de leur mission.

Quant au corps diplomatique présent à Nairobi, il a également exprimé son inquiétude. Quinze ambassadeurs (américain, canadien, australien et européens) ont signé mercredi soir un communiqué commun appelant les Kényans au calme et au rejet de la violence. Les diplomates se disent profondément attristés par la façon dont se présente cette nouvelle élection présidentielle et estiment qu'il faudra un dialogue soutenu, ouvert et transparent immédiatement après le scrutin.

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