Ce vendredi matin, il y avait une manifestation devant un des quotidiens qui publient ces emails. Une manifestation en soutien au chef de l’Etat où étaient présentes une cinquantaine de personnes, qui appartiennent à une association des vétérans de la branche armée de l’ANC. On les appelle les MK, ils sont les chiens de garde du président Zuma. Ils manifestaient devant les bureaux du « Mail and Guardian », le principal quotidien à avoir obtenu ces emails et les avoirs publiés.
Pour les manifestants, ces mails sont des faux, avec pour but de tenir la réputation du chef de l’Etat. Pour eux, la presse est manipulée par ce qu’ils appellent le « monopole blanc », qui détient l’économie, et qui veut se débarrasser de Jacob Zuma parce que celui-ci s’est embarqué dans une politique de transformation radicale de l’économie au profil de la majorité noire.
C’est clairement l’avis de Sparks Motseki, porte-parole d’une association de soutien au président Zuma : « Les attaques contre Zuma sont injustes. Elles proviennent d’un monopole blanc qui veut détruire l’image de Zuma et toute sa politique, par exemple son projet transformation radicale de l’économique au profit de la minorité noire. Il y a clairement un agenda derrière tout cela, celui de remplacer Zuma et l’ANC, par leur propre marionnette ».
Peu de réactions officielles
A noter qu’il y a eu très peu de réactions officielles cette semaine à ces fuites. Ce vendredi, en fin de matinée, le parti au pouvoir l’ANC a publié un communiqué de presse dans lequel le mouvement se dit inquiet de ses allégations et demande au gouvernement d’ouvrir une enquête sur ce nouveau scandale.
Concernant ces centaines d’emails. Ils viennent a priori d’un informateur, on parle de whistleblower, quelqu’un qui tire la sonnette d’alarme et qui a remis ces mails à disposition de la presse. Les quotidiens à qui ils ont été envoyés disent que cela fait des semaines qu’ils travaillent dessus et que pour eux il n’y a aucun doute : ces mails sont authentiques. Il s’agit d’échanges confidentiels entre les Gupta, une famille d’hommes d’affaires d’origine indienne, proche du chef de l’Etat, leurs collaborateurs, le fils du président Zuma et des membres du gouvernement. Des mails qui remontent à plusieurs années.
Zoom sur Duduzane Zuma
Pour résumer leur contenu, on y apprend que plusieurs ministres sont dans la poche des Gupta. Ils voyagent au frais de cette famille, leur divulguent des informations confidentielles, leur facilitent l’accès à des marchés publics. On apprend également que les Gupta entretiennent depuis des années Duduzane Zuma, le fils du président. Ces mails révèlent donc le rôle pivot du fils du chef de l’Etat. Agés de 35 ans, on sait qu’il est partenaire des Gupta dans plusieurs de leurs entreprises. Mais d’après les emails publiés cette semaine, la relation va donc beaucoup plus loin. Plusieurs échanges révèlent que les Gupta auraient payé pour ses vacances, son mariage, des voitures de sport, un appartement à Dubaï. Et auraient notamment facilité les négociations avec les Emirats arabes unis pour que la famille Zuma puisse faire de Dubaï leur seconde résidence. En échange, Duduzane Zuma est soupçonné d’influencer les choix du gouvernement, de faciliter la nomination de ministres bienveillants à l’égard des Gupta ou bien de les aider à obtenir des marchés publics.
Plus récemment, ce jeudi, on a appris que des millions d’euros de pots-de-vin ont été versés aux Gupta, lors d’attribution de marchés publics. Et chaque jour, de nouvelles informations sont publiées. Il y aurait en effet plus de 100 000 mails selon ces quotidiens.
En tout cas, pour les différents observateurs, comme l’organisation Corruption Watch, qui surveille et dénonce la corruption, il n’y a aucun doute ces emails confirment les soupçons de corruption au sommet de l’Etat et la justice doit enquêter, comme l’explique son président David Lewis : « C’est fuites confirment qu’il y a un lien avec Dubaï. Elles ne nous donnent pas encore de numéro de comptes bancaires, mais je n’ai aucun doute que cela viendra. Un ministre qui avait été récemment nommé au gouvernement est allé à Dubaï pour une journée. Quand on lui a demandé l’objet de ce voyage, il a répondu qu’il était en vacances, alors qu’il n’est resté sur place que douze heures. Un autre ministre, qui venait tout juste de sécuriser le contrôle d’intérêts miniers pour la famille Gupta, s’est ensuite envolé de Suisse à Dubaï et les emails ont révélé qu’il avait pris un jet privé des Gupta. Le chef de l’Etat, lors d’un voyage officiel aux Émirats arabes unis, a fait un arrêt qui n’était pas prévu à Dubaï. Donc, nous n’avons pas de preuve et les emails ne révèlent pas qu’il y a de l’argent caché à Dubaï, mais si vous ajoutez à cela le fait que Dubaï a une des politiques bancaires les plus secrètes au monde, il y a de bonnes raisons d’être méfiant ».